Près des 3/4 de votre activité concernent la prise en charge des troubles neuromusculosquelettiques.
Les blessures du ligament croisé antérieur (LCA) en font partie.
Il s’agit même de la blessure traumatique du genou la plus fréquente.
Elle touche aussi bien certains sportifs de haut niveau que l’adulte dans son quotidien, et de plus en plus, l’enfant.
Elle peut être causée par un choc violent sur l’articulation du genou ou être due à une succession de microtraumatismes, que le mouvement de trop finit par provoquer.
Le LCA intervient dans la stabilité du genou, en empêchant la translation antérieure du tibia par rapport au fémur, et en agissant comme frein secondaire à sa rotation interne.
Dès lors, on comprend qu’il peut se rompre lors de la pratique de certains sports qui mettent à mal le genou, comme les sports de pivot (ski, tennis, badminton, ultimate), ou pivots-contacts (sports collectifs : football, handball, basketball ou rugby).
Quand il n’est pas détecté ou pris en charge précocement, un traumatisme du LCA peut lourdement impacter le quotidien ou la pratique sportive du blessé.
Bien qu’on dénombre environ 50 000 ligamentoplasties du LCA chaque année, l’intervention chirurgicale n’est pas systématique, surtout chez ceux qui sollicitent peu leur genou. Une rééducation précoce est alors nécessaire pour éviter les complications ultérieures.
En tant que kinésithérapeute, votre travail consiste surtout à supprimer la douleur, à stabiliser le genou, sans nuire à son extension, et à reconditionner votre patient à l’effort, grâce à un programme précis, qui mêlent des exercices en résistance, neuromusculaires, fonctionnels dynamiques, et ceux plus spécifiques au sport pratiqué.
Les programmes de rééducation ayant fortement évolué ces dernières années, revoyons ensemble en quoi consiste votre rôle dans les traitements conservateurs, et de quels protocoles de rééducation vous disposez pour mener à bien ce travail de récupération.
Indications et bénéfices d’une prise en charge conservatrice :
Blessures du LCA :
Le ligament croisé antérieur est un ligament essentiel qui stabilise le genou, notamment lors des mouvements de rotation et de pivotement.
Sa blessure est généralement associée à une torsion du genou (mauvaise réception d’un saut, pied bloqué au sol lors d’un changement de direction, mais aussi hyperextension du genou lors d’un shoot dans le vide ou encore mauvais virage à ski).
On reconnait la rupture du LCA à la triade « craquement, déboîtement et gonflement immédiat » qu’elle entraîne.
On y observe des épisodes d’instabilité secondaires et des épanchements articulaires, qui perturbent voire empêchent parfois la marche, et les activités de la vie quotidienne.
La rupture du LCA correspond à une entorse grave du genou.
Sans traitement adapté, à moyen terme, elle expose le genou à des risques de lésions méniscales et d’arthrose, avec pour conséquence l’usure prématurée du genou.
Traitement :
Si la plupart des ruptures du LCA nécessitent une intervention chirurgicale, un traitement conservateur, qui ne doit pas être confondu avec une éventuelle abstention thérapeutique, peut être privilégié dans certains cas (rupture partielle du LCA, par exemple).
L’intervention chirurgicale dépend de l’ampleur de la blessure, de la gêne qu’elle cause, et du profil du blessé. La rééducation qui suit s’étalera entre 9 et 12 mois.
En règle générale, elle est réservée aux sportifs, notamment professionnels, dont les enjeux et les impératifs diffèrent.
Pour ceux qui utilisent peu l’articulation, la rééducation, surtout si elle est bien conduite, suffit souvent.
Elle dure entre 4 et 6 mois, et consiste à rétablir l’ensemble des fonctions de l’articulation du genou :
- Stabilité de l’articulation et du geste par l’activité neuromusculaire.
- Liberté de mouvement.
- Absence de douleurs.
Profils concernés :
On recommandera le traitement conservateur et la rééducation :
- Aux patients sédentaires ou aux sportifs qui ne pratiquent pas de sports de pivot.
- En cas de lésion partielle ou si le genou est stable cliniquement.
- En cas de contre-indication temporaire ou de refus de la chirurgie par le blessé.
Avantages de l’approche non chirurgicale :
Les principaux avantages du traitement conservateur sont :
- L’absence de risques post-opératoires.
- Un retour plus rapide aux activités quotidiennes.
- La possibilité de différer la chirurgie en cas de bon résultat fonctionnel.
Objectifs fonctionnels de la rééducation conservatrice du LCA :
Si le patient est peu actif ou face à une déchirure partielle du LCA, la stratégie thérapeutique associe généralement l’immobilisation par strapping sur une courte durée, et une rééducation précoce.
Après une rupture du LCA, la rééducation du genou a plusieurs objectifs :
- Permettre de retrouver une marche normale, fluide et sans douleur, en baissant l’inflammation et en récupérant une stabilité suffisante du genou.
- Renforcer les muscles du genou (quadriceps, ischio-jambiers et fessiers) pour le stabiliser, compenser la rupture du ligament et limiter le risque d’accident d’instabilité.
- Optimiser le contrôle neuromusculaire et la proprioception.
- Récupérer une mobilité complète du genou.
- Prévenir les complications et les récidives.
- Faciliter le retour à l’activité physique ou sportive, en toute sécurisée : reproduction des conditions réelles du jeu, correction des postures de jeu responsables du mécanisme lésionnel…
- Limiter les troubles de croissance chez l’enfant.
- Préparer au mieux le genou à une éventuelle intervention chirurgicale. La rééducation préopératoire permet de préparer le membre atteint (récupération des amplitudes articulaires, extension de genou suffisante), et d’éviter les boiteries ou une fragilité du quadriceps, en post-opératoire.
Phases clés de la rééducation du LCA non opéré :
La priorité est mise sur le soulagement de la douleur et de l’articulation (glaçage, position déclive, mise en décharge relative de l’articulation voire béquilles ou attelle en fonction des besoins).
Dans un deuxième temps, et le plus tôt possible, vous débutez la prise en charge rééducative pour limiter les conséquences de la phase inflammatoire aiguë, mais aussi pour que le genou retrouve sa pleine capacité fonctionnelle.
Elle permet aussi de réduire le risque de lésions secondaires pouvant toucher d’autres structures du genou : lésions méniscales et/ou cartilagineuses.
Une fois la phase aiguë passée et la capacité de fonctionnement du genou récupérée, les objectifs seront d’accompagner et d’orienter le blessé vers la reprise de ses activités habituelles, y compris sportives.
Pour cela, vous disposez de différents exercices, que vous introduisez de manière progressive :
- Travail en décharge.
- Charge partielle du poids du corps (vélo, rameur…).
- Charge dans l’axe de la flexion/extension du genou (marche, course à pied, sauts…).
- Exercices avec contraintes latérales et rotatoires (course avec changements de direction, pivots, sauts croisés…).
Focus sur la cryothérapie avec le CryoPush de Orthonov :
Il s’agit d’un dispositif portatif rechargeable qui soulage la douleur et réduit l’inflammation articulaire (épaule, cheville, genou).
Innovant, par l’effet froid compressif qu’il offre, il est particulièrement indiqué dans les blessures du genou, dont celles du LCA, y compris la rupture.
Cette combinaison de froid et de compression, dont l’intensité peut être réglée en fonction des besoins, favorise la récupération.
Il est surtout utilisé par les sportifs qui souhaitent se remettre rapidement de leur blessure.
Phases clés de la rééducation du LCA non opéré :
Phases : | Objectifs : | Moyens : |
Phase 1 : Phase aiguë J0 à J15 | Réduire l’inflammation. Améliorer la mobilité articulaire. Récupération précoce. | Repos relatif Cryothérapie Drainage Strap. Mobilisations douces. Contractions isométriques guidées du quadriceps : glissement progressif de la rotule vers le haut jusqu’à l’extension terminale du genou : MNES (stimulation électrique neuromusculaire) de haute intensité… « Wall-slides », vélo d’intérieur… |
Phase 2 : Récupération de la mobilité. Semaines 2 à 4 | Récupération complète de l’amplitude et d’un appui progressif. | Mobilisation active/assistée. Étirements passifs. Appui contrôlé avec corrections posturales. |
Phase 3 : Renforcement musculaire progressif. Semaines 4 à 8. | Activation musculaire. Stabilité dynamique. | Chaine cinétique fermée : squats, presse légère. Travail des ischio-jambiers, des fessiers et des quadriceps. Lutte contre le flessum, AMI (Arthrogenic Muscle Inhibition), valgus dynamique. |
Phase 4 : Proprioception et stabilité fonctionnelle. Il s’agit d’une phase essentielle du traitement conservateur. Cette étape est possible quand : La mobilité articulaire est complète. L’œdème est totalement résorbé. La force du membre inférieur est satisfaisante. Semaines 8 à 12. | Améliorer le contrôle neuromusculaire. Améliorer la cinématique du genou, et de la mécanique de la marche. Réduire les épisodes de dérobement. | Tâches d’équilibre avec des perturbations inattendues de la surface instable : Plateformes instables, planches à bascule, BOSU, step dynamique. Exercices unipodaux, changement de direction, pliométrie. Travail de coordination, exercices d’agilité. |
Phase 5 : Reprise d’activité physique et sportive : Elle est possible quand la série d’entrainements en perturbation de l’équilibre se fait sans épisodes de dérobement, et que la force du quadriceps et des ischio-jambiers a atteint 90% de celle du membre controlatéral. > 3 mois. | Tester la stabilité et la confiance, et les renforcer. | Tests fonctionnels (Y-Balance Test kit, saut unipodal). Entrainement sport-spécifique selon activité. Adaptation du niveau d’intensité. NB : Une orthèse fonctionnelle peut être indiquée lors de la reprise des sports de pivot et de feinte pour réduire la translation tibiale antérieure et améliorer la proprioception et la sensation de stabilité. |
À noter que tant que le quadriceps ne fonctionne pas correctement et ne permet pas une bonne extension du genou, la marche avec appui se fera avec des béquilles, pour éviter les douleurs, de faire traîner le flessum, et de nuire à la qualité de la marche.
Évaluation de la progression et critères de succès :
La progression est évaluée à l’aide d’outils tels que :
- Les tests fonctionnels validés.
- L’absence de douleur ou d’instabilité perçue.
- Le retour aux activités de la vie quotidiennes sans appréhension.
- La récupération de l’amplitude et de la symétrie musculaire.
- La confiance du patient dans la récupération et sa capacité à reprendre son activité habituelle → c’est le facteur clé du succès de la rééducation.
Gestion des risques d’instabilité et d’arthrose :
Pour prévenir les récidives d’instabilité et les complications, vous devez aussi :
- Surveiller régulièrement la laxité.
- Vous assurer que le renforcement musculaire compensatoire soit suffisant pour que la stabilité soit maintenue.
- Vérifier que votre patient ait récupéré la proprioception de sa jambe afin de limiter les micro-instabilités.
- Éduquer votre patient sur les signes de décompensation, et notamment les lésions :
- Sur le ménisque : déchirure du ménisque ou lésions dégénératives type anse de seau méniscale, qui touchent 6 blessés sur 10 dans les 10 ans qui suivent l’instabilité du genou.
- Du cartilage articulaire : chondropathie, et notamment la gonarthrose avec le risque de remplacement prothétique qu’elle comporte dans les cas les plus sévères.
Un programme de prévention continue est nécessaire lorsque le patient reprend progressivement le sport, et persiste même après sa reprise complète.
À noter que vous pouvez collaborer avec le médecin ou une équipe spécialisée, pour un suivi optimal, et pour éviter les récidives ou l’aggravation.
Facteurs de réussite : motivation et engagement du patient.
Bien entendu, rien ne serait possible sans l’implication de votre patient dans sa prise en charge. Et, pour l’y aider, vous devez :
- Réaliser une évaluation initiale complète des attentes et freins de votre patient.
- Mettre en place conjointement des objectifs SMART : mesurables, adaptés, et datés.
- Suivre la progression grâce à des fiches ou des applications mobiles (ex. : Weasyo : Kiné et mobilité, Kobus App, Medicapp Connect, Kinéapp by Medicapp, MyJump 2, Nordics).
- Renforcer l’autonomie de votre patient et sa participation active dans le programme de soins : auto-rééducation.
Le rôle central du kinésithérapeute dans la stratégie conservatrice :
Nous venons de le voir, votre rôle est crucial dans la stratégie conservatrice et la rééducation des LCA. Ce rôle consiste à :
- Réaliser l’évaluation initiale de votre patient grâce aux tests cliniques spécifiques, et au bilan fonctionnel, afin de comprendre le mécanisme de sa blessure, le sport qu’il pratique, et ses objectifs sportifs.
- Programmer la rééducation en fonction du profil et des objectifs de votre patient.
- Mettre en place une coordination avec le médecin et/ou le chirurgien en cas d’évolution défavorable.
- Réévaluer régulièrement votre patient, en général à 1, 3 et 6 mois.
Pour conclure…
Si l’intervention chirurgicale est indiquée pour les ruptures du ligament croisé antérieur du jeune sportif qui doit reprendre rapidement ses compétitions, pour les blessés peu exposés ou pratiquant peu de sport, le traitement conservateur est l’option de prédilection, à condition qu’un suivi structuré et adapté soit mis en place précocement, et que toutes les options thérapeutiques aient été explorées avec lui.
Le succès de cette prise en charge rééducative dépend de l’engagement et de la participation que vous obtenez de votre patient, mais aussi de votre expertise, qui est essentielle.
Alors, si vous souhaitez actualiser vos connaissances, acquérir de nouvelles compétences ou vous spécialiser dans les prises en charge des troubles musculosquelettiques ou du sportif, n’hésitez pas à suivre l’une de nos actions de formation dédiées à ces thématiques.
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Sources :