Déshydratation chez la personne âgée : prévenir, repérer, agir

On estime qu’un sénior sur trois est admis aux urgences à cause de la chaleur et de ses complications : déshydratation, hyperthermie, hyponatrémie

Les personnes âgées ne pensent pas toujours à s’hydrater.

Tantôt parce qu’elles n’ont pas soif ou qu’elles oublient de boire.

Tantôt, c’est leur maladie ou leur traitement qui provoque la déshydratation.

On parle de déshydratation quand les apports en eau ne compensent pas les pertes.

Et vous le savez, l’eau et les sels minéraux sont essentiels au bon fonctionnement du corps. Quand ils viennent à manquer, différents symptômes apparaissent et fragilisent votre patient : fatigue, sécheresse cutanée, escarre, chutes…

S’ils sont visibles dans la plupart des cas, parfois ces signes peuvent être discrets et atypiques, retardant le repérage de la déshydratation.

Or, plus tôt on agit, moins l’état de votre patient se dégrade.

Détecter les signaux d’alerte est donc capital.

Alors, comment repérer, agir et préserver vos malades âgés de la déshydratation ?

L’été 2023, c’est :  

– 4 épisodes de canicule.  

– Près de 20 000 passages aux urgences : 1 personne sur 2 était âgée de 75 ans et +.    

– Plus de 10 600 hospitalisations en lien avec les fortes chaleurs, dont 60% de séniors de + de 75 ans et +.  

– Plus de 5 000 décès, dont les ¾ concernaient une personne âgée de 75 ans et +.  
deshydratation personne agee

Vieillissement physiologique :

Vieillir, ce n’est pas seulement avoir des rides, des cheveux blancs ou être moins actif qu’avant. Si l’enveloppe extérieure vieillit, les organes vieillissent en même temps qu’elle.

Ils s’atrophient et fonctionnent de moins en moins bien.

Par exemple, le vieillissement physiologique altère :

  • La fonction rénale (diminution de la clearance)
  • L’équilibre moteur : baisse de l’autonomie, périmètre de marche restreint, difficulté à se mouvoir
  • La sensation de soif et la masse hydrique corporelle.

Facteurs médicaux aggravants :

Certaines situations médicales, pathologies ou traitements peuvent favoriser la survenue de la déshydratation ou l’aggraver. Il s’agit de :

  • Situations médicales à risque : état infectieux (et notamment urinaires et respiratoires), épisodes fébriles, altération de la communication, dysphagie, vomissements, diarrhées…
  • Maladies chroniques : démence, diabète (et notamment l’hyperglycémie chronique), insuffisance cardiaque…
  • Médicaments : diurétiques, laxatifs, neuroleptiques…

Facteurs environnementaux et sociaux :

Certains facteurs sociaux et environnementaux sont propices à la déshydratation : isolement, perte d’autonomie, ventilation inappropriée du logement, manque d’accès à l’eau, excès d’activité (transpiration ++), alcoolisme ou simplement la honte d’uriner dans une protection.

CSi dans la plupart des cas, les symptômes sont visibles, il peut arriver qu’ils soient plus discrets ou atypiques.

Parmi les signaux d’alerte, on retrouve :

1. Signes physiques évocateurs :

Les principaux signes physiques évocateurs sont :

  • La soif, la peau sèche, froide et pâle, le pli cutané persistant, les muqueuses sèches, notamment buccales (langue et lèvres), l’hypotension orthostatique, la tachycardie, les maux de tête, les yeux cernés, l’incapacité à transpirer ou à pleurer.
  • Mais, aussi l’oligurie, des urines foncées, des calculs rénaux, un dysfonctionnement rénal, des vomissements, une constipation, et une perte de poids rapide (< 5% du poids habituel).

À noter que la déshydratation entraîne une baisse de la transpiration, qui provoque une hyperthermie (>37°C). C’est ce qu’on appelle communément : le coup de chaleur.

Le test du pli cutané :  

C’est sans doute l’outil le plus simple à utiliser pour repérer la déshydratation. Vous le réalisez au niveau du thorax ou à l’intérieur de la cuisse pour un résultat plus fiable.

Le manque de collagène de la peau rend la peau moins tonique avec l’âge, le test classiquement réalisé au dos de la main n’est donc pas toujours pertinent.  

Ce geste simple, facile à adopter et à intégrer dans votre pratique, peut préserver l’intégrité de votre patient.

2. Signes neurocognitifs et fonctionnels :

La déshydratation peut aussi entrainer des signes fonctionnels et neurocognitifs, tels que :

  • La confusion, l’agitation, l’apathie, des troubles de la vigilance, une somnolence, des hallucinations, un choc, des convulsions.
  • Mais aussi un ralentissement psychomoteur, des chutes inexpliquées, des troubles visuels et auditifs, et une dégradation de l’état général.

3. Signes biologiques (à communiquer au médecin) :

Enfin, certains marqueurs sanguins peuvent confirmer la déshydratation.

Marqueurs de la déshydratation

Marqueur biologique  Valeurs normales (adulte)  Modification en cas de déshydratationInterprétation
Natrémie (Na)135 – 145 mmol/L↑ : > 145 mmol/L   ou   ↓ : < 135 mmol/LHypernatrémie : déshydratation sévère, surtout extracellulaire.   Hyponatrémie.  
Urée2,5 – 7,5 mmol/L↑ : souvent > 10 mmol/LAugmentée par hémoconcentration.    
CréatinineF : 60 – 110 µmol/L
H : 70 – 120 µmol/L  
↑ modérée à sévère : > 120 µmol/LInsuffisance rénale fonctionnelle possible.  
Rapport urée / créatinine40 – 100 (mg/dL)
10 – 20 (mmol/L)
↑ > 100 mg/dL ou > 20 mmol/LAugmentation caractéristique de la déshydratation.  
HématocriteF : 37 – 47 %        ou
H : 42 – 52 %  
↑ par hémoconcentrationTémoin d’une perte liquidienne.  
Protidémie totale65 – 80 g/L↑ par hémoconcentrationHyperprotidémie relative.    
Osmolalité plasmatique275 – 295 mOsm/kg↑ > 295 mOsm/kgDéshydratation hypertonique.    
Osmolalité urinaire300 – 900 mOsm/kg↑ si fonction rénale intacteRéponse compensatoire rénale.    
Sodium urinaire40 – 220 mmol/L↓ : < 20 mmol/LTentative de rétention du Na par le rein.    

Pensez à communiquer les résultats au médecin pour obtenir une conduite à tenir (protocole).

À noter qu’en cas de déshydratation, le taux de sodium sanguin peut être abaissé, normal ou élevé.

Types de déshydratation :

Type de déshydratation  Avec hypernatrémieAvec hyponatrémieIsotonique
Valeurs de la natrémie  >145 mmol/L< 135 mmol/L135 – 145 mmol/L
MécanismePertes liquidiennes supérieures aux pertes de sodiumPertes de sodium supérieures aux pertes liquidiennesPertes en eau et en sodium équivalentes  
Causes  Fièvre, diarrhée, transpiration, apports insuffisants en eau.    Vomissements abondants, diarrhées sévères, diurétiques, insuffisance surrénalienne …Pertes digestives modérées ou hémorragie.

La déshydratation avec hypernatrémie est celle qui est la plus fréquemment observée chez les patients âgés. Elle touche plus particulièrement les patients déments ou grabataires ou ceux qui ont un accès limité à l’eau.

Pour évaluer et prévenir efficacement la déshydratation, la première chose à faire est de repérer les patients à risque.

1. Surveillance ciblée des personnes à risque :

Ensuite, vous initiez une surveillance ciblée :

  • Mise en place d’un dossier de soins
  • Repérage des facteurs de risque : anamnèse, examen clinique, évaluation sociale et environnementale…
  • Intégration d’outils de suivi : fiche de surveillance hydrique, pesée hebdomadaire, contrôle des apports.

2. Communication adaptée avec le patient :

Communiquer activement et vous entretenir régulièrement avec votre patient vulnérable permet de bâtir une relation de confiance, indispensable pour optimiser les soins.

Grâce à cette relation et à ces moments privilégiés, vous pouvez repérer certains facteurs qui pourraient induire un refus de boire : une douleur, un état dépressif ou confus, une croyance limitante (peur de devoir porter ou uriner dans une protection…).

Vous pouvez aussi profiter de cet instant de partage pour boire un verre d’eau avec ce patient, souvent isolé, et ainsi de le stimuler à boire, sans toutefois le forcer.

Quoi qu’il en soit, il est essentiel que vous respectiez l’autonomie et le discernement.

3. Formation des aidants et de l’entourage :

Enfin, il est essentiel que vous intégriez les proches ou les aidants dans la surveillance et la prise en charge de votre patient âgé.

Vous informez et éduquez tous les intervenants :

  • Explication des besoins hydriques selon les pathologies.
  • Conseils pratiques pour stimuler l’hydratation au quotidien.

Lorsque vous suspectez une déshydratation, vous devez agir rapidement.

Bien sûr, vos actions ne seront pas les mêmes selon qu’il s’agisse d’une déshydratation légère et débutante ou d’une déshydratation installée de longue date et déjà compliquée.  

Vous adaptez vos interventions à la situation.

La première action à mettre en place, quand cela est possible, est de compenser les pertes :

  • Augmenter apports oraux : eaux légèrement salées ou sucrées, peu minéralisées, ou pétillantes en cas de fausses routes.
  • Privilégier une alimentation riche en liquides : fruits, légumes, laitages, soupes froides, yaourts, compotes, eaux gélifiées en cas de troubles de la déglutition.
  • Mettre une bouteille d’eau à proximité du patient âgé : pensez à adapter le format en cas de faiblesse.
  • Proposer un verre d’eau à boire, à chacun de vos passages.
  • Impliquer les autres intervenants dans la stimulation hydrique : kiné, orthophoniste, aide de vie, aidants…
  • Varier les sources d’hydratation.
  • Respecter les goûts de l’ainé.
  • Surveiller, mesurer, évaluer, réadapter.

La seconde action à entreprendre est d’abaisser la température :

  • Contrôlez et ajustez les températures intérieures : baisse du chauffage l’hiver si le logement est surchauffé ; fermeture des volets, clim, ventilateur, éventail, l’été.
  • Adapter les tenues vestimentaires : amples, clairs…
  • Et rafraîchissez plus régulièrement le sénior (douche supplémentaire si possible, rafraîchissement au gant, lingettes, brumisateur, vaporisateur d’eau…).

Tableau récapitulatif en fonction du degré de sévérité :

Degré de gravité :Signes :Actions immédiates :
Légère – Muqueuses sèches  
– Baisse de diurèse  
– Faiblesse, crampes musculaires
– Maux de tête, nausées  
– Perte de poids <5%.
Mesures simples pour compenser les pertes :  

– Stimulation à l’hydratation  
– Contrôle et ajustement des températures intérieures
– Adaptation des tenues et du niveau d’activités.  
Modérée – Fatigue  
– Tension basse, tachycardie
– Confusion légère
– Escarre
– Infections (urinaires, respiratoires)
– Perte de poids 5 > 10%.  
Mesures simples 
+
Bilan biologique, ECBU 
+
Traitement des complications (soins d’escarre, antibiotique>infections, hydratation sous-cutanée…)  
Sévère – Chutes à répétition
– Trouble du comportement (agitation, apathie)
– Confusion, hallucination, délire, convulsion
– Anurie, choc, baisse de la conscience, perte de connaissance   – Perte de poids > 10%.  
Mesures simples   

Appel médecin en urgence  
Réhydratation IV  

Bilan biologique, examens complémentaires  

Samu  

Hospitalisation.    
arbre decisionnel deshydratation

La mortalité est deux plus élevée chez les malades déshydratés.

Repérer précocement et agir vite, c’est aussi sauver la vie de votre patient.

Votre rôle propre vous permet de mettre en place des protocoles de surveillance.

Vous pouvez ensuite les mettre à la disposition des proches et des aidants.

Une action type peut être de programmer “un verre d’eau toutes les heures”, par exemple. Action qui peut facilement être transposée en structures hospitalières ou en EHPAD.

Pensez à tracer et à faire consigner les apports dans la fiche des ingesta, par les intervenants et aidants.

Communiquez les recommandations du Plan canicule : vigilance renforcée, check-list quotidienne (urines, boissons, température).

Enfin, n’oubliez pas la coordination ville-hôpital (transmissions ciblées).

Applications utiles :

Certains outils d’aide à la surveillance peuvent faciliter le suivi au domicile et en institutions : Hydr8, Waterdrop Hydratation App, Chron’eau, Hydro et Hydro Coach, et d’autres, connectées : Droplet (avec mug/verre intelligent).

Supports à imprimer ou à intégrer dans les dossiers :

Certains supports prêts à imprimer sont également là pour vous aider dans votre pratique :

  • Fiches de suivi hydrique infirmier.
  • Tableaux de repérage des signes précoces.
  • Aide-mémoire pour familles (disponible dans les kits canicule de certaines ARS).

À noter qu’une plateforme téléphonique « Canicule » est activée par la Direction générale de la santé, l’été, dès le premeir épisode de canicule.  

Elle informe sur les mesures à mettre en œuvre en période de fortes chaleurs, et répond à vos questions.  

Elle est accessible gratuitement au numéro suivant : 0 800 06 66 66.  

Les recommandations qui font autorité sont celles qui émanent :

  • De la HAS (Haute Autorité de Santé) :  “Déshydratation chez le sujet âgé” (2015).
  • Du Plan National Canicule – ministère de la Santé : zones à risque, consignes à suivre pour protéger nos ainés, fragiles et isolés.
  • Des sociétés savantes : SFAR (réhydratation IV), Gérontopôle de Toulouse.

Si la déshydratation frappe surtout l’été, et notamment en période de canicule, elle peut aussi toucher n’importe qui, n’importe quand.

Alors, pour éviter les complications ou les décès tragiques liés à la déshydratation, il est indispensable de mettre en place une vigilance renforcée et continue auprès des patients âgés, premières victimes des coups de chaleur.

D’autant plus que vous êtes généralement les premiers à repérer les signaux d’alerte de la déshydratation et à alerter.

Mais, votre rôle va bien au-delà : il est également essentiel pour prévenir la déshydratation, mettre en place les mesures adaptées et conformes aux recommandations sanitaires, mais aussi pour informer, transmettre et éduquer vos patients, et l’équipe qui intervient auprès du sénior : aide-soignant, auxiliaire de vie, aide-ménagère, aidants naturels…

Prévenir la déshydratation, c’est éviter les complications. C’est aussi préserver la dignité, l’autonomie et la santé des aînés.

Enfin, la formation continue fait partie des nombreux outils mis à votre disposition pour renforcer et sécuriser vos pratiques. Alors formez-vous. Et actualisez vos connaissances. Régulièrement.

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Source :

HAS

Ameli

Santé Publique France

Inserm

pour-les-personnes-âgées.gouv.fr

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