D’année en année, le cancer du sein reste le cancer féminin le plus fréquent en France. Avec plus de 61 000 nouveaux cas et près de 12 700 décès chaque année, il constitue un enjeu majeur de santé publique. Si la mammographie reste la référence, notamment dans le cadre du dépistage organisé, la prévention ne commence pas et ne se limite à cet examen.
La prévention commence bien avant et repose sur un dialogue de confiance entre la femme et les professionnels de santé, dont les sages-femmes font partie intégrante.
Mais quelles sont au juste les missions que remplissent quotidiennement les sages-femmes ? De quels outils disposent-elles et quelles sont les limites de leur rôle ?
C’est ce que nous verrons ensemble.
| Le rôle des sages-femmes : Les sages-femmes accompagnent les femmes à toutes les étapes de leur vie : adolescence, maternité, ménopause, post-cancer… Cette proximité les place au cœur de la prévention, du repérage précoce et du dépistage. Leur mission se décline autour de quatre axes majeurs : – Informer, sensibiliser et éduquer à la santé féminine (facteurs de risque, bons comportements). – Examiner et repérer les anomalies mammaires, les patientes à risque ou les non participantes au dépistage. – Prescrire les examens nécessaires dans le respect du cadre légal. – Documenter, tracer, orienter et coordonner le parcours de soins avec les autres professionnels. |
Prévention : définitions et niveaux
La prévention du cancer du sein repose sur trois niveaux complémentaires : la prévention primaire, secondaire et tertiaire.
Cette classification aide à situer les interventions des sages-femmes dans la continuité du suivi féminin.
| Prévention : | Objectifs : | Rôle : |
| Primaire | Réduire les facteurs de risque évitables. | La sage-femme agit sur les facteurs de risque grâce à l’éducation : – Lutte contre le tabagisme et l’alcool. – Promotion de l’activité physique. – Maintien d’un poids stable et d’une alimentation équilibrée. – Accompagnement dans le choix d’une contraception adaptée. – Promotion de l’allaitement maternel, dont l’effet protecteur est reconnu. |
| Secondaire | Détecter précocement la maladie pour améliorer le pronostic. | La sage-femme intervient soit par le biais du dépistage organisé, soit dans le cadre du dépistage individualisé. Elle réalise l’examen clinique régulier des seins. Elle communique sur le dépistage organisé, et encourage les femmes âgées de 50 à 74 ans, à réaliser leur mammographie, en leur rappelant que la double lecture reste le standard. Elle oriente les patientes à haut risque vers les circuits spécialisés. |
| Tertiaire | Éviter les récidives et accompagner le retour à la santé après le cancer. | La sage-femme surveille les effets secondaires des traitements. Elle participe à la coordination du parcours post-thérapeutique, au suivi de la sexualité, à la réappropriation corporelle et au soutien psychologique. |
Cadre légal et compétences
La sage-femme est souvent appelée pour les suivis de grossesse, et parfois pour accompagner la contraception. Mais son rôle ne s’arrête pas là.
Et le décret n° 2022-325 du 5 mars 2022, qui a élargi ses compétences —notamment en matière de prescription d’examens d’imagerie médicale—, nous le rappelle.
Selon l’article L.4151-4 du Code de la santé publique, la sage-femme peut :
- Prescrire une mammographie ou une échographie mammaire dans le cadre du suivi gynécologique, de la prévention ou en cas de risque particulier identifié.
- Effectuer l’examen clinique des seins.
- Orienter vers un médecin, un radiologue ou une consultation d’oncogénétique en cas de doute.
En revanche, elle ne peut ni interpréter les images, ni poser de diagnostic oncologique, ni décider du traitement. Elle reste néanmoins un atout majeur dans la continuité des soins.
Tableau – Compétences vs limites
| Actions : | Sages-femmes : | Médecins : |
| Examen clinique des seins | ✅ | ✅ |
| Prescription de mammographie | ✅ Dans le respect du cadre légal | ✅ |
| Orientation vers une consultation en oncogénétique | ✅ | ✅ |
| Interprétation de l’imagerie | ❌ | ✅ |
| Décision thérapeutique | ❌ | ✅ |
Actions concrètes en consultation
La consultation de prévention constitue un moment clé pour aborder la santé mammaire.
Les actions à privilégier incluent l’examen clinique, l’éducation à l’autosurveillance, l’évaluation des facteurs de risque et la prescription du dépistage.
Examen clinique des seins
Réalisé une fois par an dès l’âge de 25 ans, il comprend l’observation et la palpation systématique des seins.
Toute modification du sein ou anomalie détectée (masse, écoulement, adénopathie, modification cutanée) justifie une orientation rapide vers un médecin ou un service d’imagerie.
Éducation à l’autosurveillance
La sage-femme encourage à l’autosurveillance —ce qu’on appelait autrefois l’autopalpation mammaire.
Elle explique les signes d’alerte et dédramatise la démarche, en rappelant que cette vigilance renforcée complète la mammographie, sans s’y substituer, et que cela permet aussi à la femme de connaître son corps et de repérer précocement toute modification inhabituelle.
Évaluation des facteurs de risque
Au cours de la consultation de prévention, la sage-femme recherche aussi les facteurs de risque :
- Antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein : (1er degré, multiples ou précoces).
- Mutation génétique (BRCA1, BRCA2, PALB2, CHEK2…).
- Antécédents de cancer de l’ovaire ou de l’endomètre.
- Antécédent de radiothérapie thoracique avant l’âge de 30 ans (lymphome de Hodgkin).
- Traitements hormonaux prolongés.
- Surpoids, obésité, sédentarité, consommation d’alcool ou de tabac.
- Densité mammaire élevée.
Ces données sont consignées dans le dossier patient et permettent l’orientation vers le CRCDC ou une consultation d’oncogénétique.
Prescription et orientation
Nous l’avons vu, la sage-femme peut prescrire les mammographies, et participer au dépistage organisé.
Elle participe aussi au parcours individualisé pour repérer les femmes à risque élevé et très élevé qu’elle accompagne.
Enfin, en cas de doute, elle oriente sans délai vers la radiologie ou la consultation spécialisée.
| Checklist consultation sage-femme Les essentiels de la consultation : – Antécédents familiaux et personnels. – Âge de la patiente. – Facteurs de risque modifiables. – Consentement et compréhension. – Orientation vers le CRCDC ou la consultation en oncogénétique. – Traçabilité dans le dossier. |
Repères clés selon l’âge
| Âges : | Actions clés : |
| Adolescentes et jeunes adultes : | Prévention primaire : – Hygiène de vie – Sensibilisation aux facteurs de risque – Consultations – Examen clinique + antécédents – Bénéfices/risques – Contraception. |
| Grossesse et post-partum : | Éducation à l’autosurveillance + examen clinique. Orientation rapide si anomalie. Lien ville-hôpital. |
| 25 – 50 ans : | Examen clinique annuel des seins, évaluation des risques, éducation, orientation adaptée. |
| Péri-ménopause et postménopause : | Rappel des dépistages 50-74 ans : – Mammographie tous les deux ans avec double lecture. – Gestion de l’hormonothérapie. – Activité physique, surveillance du poids. |
| > 74 ans : | Dépistage individualisé au cas par cas selon le profil et l’état général. |
Travail en réseau et orientation
La sage-femme travaille en lien étroit avec les médecins généralistes, les gynécologues, les radiologues, les oncogénéticiens et les associations.
Elle contribue à la coordination du dépistage organisé, et relance les femmes non participantes, afin d’atteindre l’objectif national : dépasser les 50% de participation (contre 45 % actuellement).
| Comment fonctionne la double lecture ? Chaque mammographie est lue par deux radiologues agréés indépendants. Une vraie valeur ajoutée, par rapport au dépistage individualisé. En cas de divergence, un troisième avis est demandé, garantissant une sécurité diagnostique et une fiabilité maximale. |
Limites du rôle et formation continue
Si le rôle de la sage-femme est central, notamment dans la prévention du cancer du sein, il reste limité. Elle ne pose pas de diagnostic, n’interprète pas les examens d’imagerie et ne participe pas aux décisions thérapeutiques.
En cas de doute ou de suspicion de cancer, elle a l’obligation d’orienter sa patiente vers un médecin.
Formation DPC :
Pour aller plus loin, et mieux répondre à la montée en compétence, il existe des formations DPC ciblées sur le dépistage, les facteurs de risque, l’oncogénétique, et la communication thérapeutique.
Elles permettent d’actualiser ses connaissances et d’intégrer les dernières recommandations à la pratique quotidienne.
Découvrez notre formation DPC Dépistage et diagnostic du cancer du sein par la sage-femme – proposée au format e-learning, et intégralement prise en charge par l’ANDPC.
| À retenir : – Le taux de survie du cancer du sein à 5 ans est de 88 % quand il est détecté tôt. – La sage-femme est un pilier de la prévention primaire et secondaire. – Son rôle s’étend du conseil à la coordination du dépistage. – La prévention du cancer du sein reste une responsabilité partagée à chaque étape de vie. |
FAQ pratique pour patientes
- À quel âge consulter une sage-femme pour la prévention du cancer du sein ?
La consultation chez une sage-femme est conseillée dès l’âge de 25 ans pour un examen clinique annuel des seins.
- Quand commencer la mammographie avant 50 ans ?
Avant 50 ans, la mammographie peut être réalisée dans certaines situations à risque spécifique.
- Que faire si je détecte une masse ou un écoulement ?
En présence d’écoulement mammaire ou de tout signe suspect, il faut consulter sans délai.
- L’auto-palpation remplace-t-elle la mammographie ?
Non, l’autosurveillance ne remplace pas la mammographie. Elle la complète.
- Comment fonctionne la double lecture dans le dépistage organisé ?
Deux radiologues interprètent chaque cliché indépendamment.
Pour conclure…
Prévenir, c’est bien plus qu’informer : c’est offrir à chaque femme la possibilité d’agir pour sa santé.
La sage-femme, par son écoute attentive et sa présence constante, se trouve au premier rang de cette prévention.
Grâce à ses compétences élargies, elle participe activement à la détection précoce du cancer du sein et à la coordination du parcours de soins.
Former les sages-femmes à ces enjeux, c’est renforcer la prévention, et garantir à chaque femme un accès équitable au dépistage.
Chaque examen, chaque parole, chaque geste compte.
Détecter plus tôt, c’est sauver des vies, mais c’est aussi préserver la dignité, le corps et l’avenir de celles qu’on accompagne.
Et vous, comment transformez-vous la consultation de prévention en un moment d’échange, de confiance et de sens ?
Pour terminer, si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager.
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Source :
INCa – cancer.fr : Les prévenir et les détecter tôt
Ordre des sages-femmes : Droit de prescription
Santé publique France : Cancer du sein
DPC Santé Formapro – Dépistage et diagnostic du cancer du sein par la sage-femme.
