Accompagner la maladie de Parkinson à domicile

En France, près de 270 000 personnes vivent aujourd’hui avec un Parkinson — ou une maladie apparentée —, et chaque année, environ 27 000 nouveaux cas sont diagnostiqués.

Deuxième cause de maladie neurodégénérative après Alzheimer, elle avance doucement, presque sans bruit, rythmée par la lenteur des gestes et la raideur des corps.
Derrière ces chiffres, il y a des vies : celles des malades, mais aussi celles des familles et des soignants.

Si le vieillissement de la population explique en grande partie sa progression, d’autres facteurs — comme le manque de repérage précoce, la sous-évaluation des premiers signes, et l’impact possible de facteurs environnementaux — participeraient, eux aussi, à la hausse du nombre de malades.

Face à cette « vague silencieuse », les infirmiers jouent un rôle essentiel : observateurs discrets du quotidien, médiateurs, accompagnants. Ils relient, écoutent, rassurent, ajustent, préviennent.

Mais concrètement, en quoi consiste ce rôle souvent méconnu ?

C’est ce que nous allons détailler ici.

Zoom sur la maladie de Parkinson :

La Maladie de Parkinson est une affection neurologique chronique et complexe liée à la dégénérescence progressive des neurones dopaminergiques de la substance noire.  

Ses manifestations varient d’une personne à l’autre, mais trois symptômes moteurs la caractérisent : les tremblements de repos (lents et réguliers), la rigidité musculaire (hypertonie) et la lenteur des mouvements (akinésie).  

À ces signes visibles s’ajoutent des symptômes non moteurs, souvent plus invalidants : troubles du sommeil, fatigue, douleurs, constipation, dépression, anxiété, apathie…  

Elle évolue lentement mais inévitablement. Les traitements actuels ne guérissent pas : ils compensent partiellement les déficits en dopamine pour améliorer la qualité de vie des malades.  

Elle touche surtout les personnes âgées, mais des formes plus précoces existent. Selon France Parkinson, une personne sur cinq y sera confrontée au cours de sa vie.  

Le rôle pivot de l’infirmier à domicile

L’infirmier est un acteur essentiel dans la prise en charge du patient parkinsonien. Il accompagne dans la duréeau plus près du quotidien.

Son rôle consiste à :

– Assurer la surveillance clinique et la continuité thérapeutique.
– Adapter les soins aux fluctuations motrices et à la fatigue.
– Prévenir les risques de chutes, de dénutrition et d’escarres.
– Soutenir l’aidant familial et coordonner les relais de soins.
– Favoriser la préservation de l’autonomie et de la dignité du patient.  

Situation 1 : Adapter les soins aux fluctuations motrices

Contexte  Les patients alternent entre des périodes de mobilité (« ON ») et de blocage (« OFF »)  
Rôle infirmier  – Planifier les soins actifs (toilette, habillage, repas) pendant les phases « ON ».

– Adapter le rythme des soins selon la fatigue et la tolérance.

– Prévenir les chutes et sécuriser l’environnement immédiat.

– Maintenir un dialogue calme et rassurant en phase « OFF ».  

Situation 2 : Gérer la prise médicamenteuse avec rigueur

Le traitement repose principalement sur la L-Dopa, associée à d’autres molécules modulant sa durée d’action.

L’infirmier s’assure de la bonne observance : il vérifie les horaires, les doses et l’effet du traitement sur la motricité, mais aussi les effets indésirables.

ContexteLes traitements antiparkinsoniens nécessitent des horaires précis pour éviter les fluctuations motrices.  
Bonnes pratiques infirmières– Respect strict des horaires de prise.

– Surveiller les effets indésirables (dyskinésies, hypotension, nausées, somnolence diurne, hallucinations).

– Signaler immédiatement tout oubli ou vomissement au médecin : tracer et alerter.  

À ne jamais faire :

Ne jamais modifier les horaires, retarder ou doubler une dose sans avis médical pour ne pas déstabiliser le patient et provoquer une phase « OFF » sévère.

Situation 3 : Surveiller la déglutition et prévenir la dénutrition

ContexteLa dysphagie (trouble de la déglutition) est fréquente : elle augmente le risque de fausses routes et de dénutrition.  
Rôle infirmier– Observer les signes d’alerte : toux après repas, modification de la voix (mouillée), perte de poids.

– Adapter les textures alimentaires (épaissis, mixés).

– Maintenir la position assise droite (90°) pendant les repas.

– Travailler en coordination avec l’orthophoniste et le diététicien.  

Situation 4 : Prévenir les troubles cutanés et les escarres

Contexte   La rigidité et l’immobilité prolongée favorisent les lésions cutanées.  
Actions prioritaires– Inspection quotidienne des zones d’appui (sacrum, talons, coudes).

– Mobilisation régulière et changement de position.

– Utilisation de coussins anti-escarres et soins hydratants adaptés.

– Éducation de l’aidant à la surveillance cutanée.  

Situation 5 : Gérer les troubles cognitifs et psychiatriques

La maladie de Parkinson touche profondément l’identité et la dignité. L’infirmier doit savoir écouter sans juger, soutenir sans infantiliser.

Cette écoute bienveillante, simple et constante, renforce la confiance et contribue à lutter contre l’isolement des patients.

ContexteHallucinations, confusion, dépression et anxiété peuvent survenir, notamment à un stade avancé.  
Rôle infirmier  – Observer les signes de désorientation ou de modification du comportement.

– Maintenir une communication apaisée et adaptée.Impliquer les proches dans la surveillance et l’adaptation du quotidien.

– Alerter le médecin en cas d’aggravation rapide ou de troubles sévères : hallucinations envahissantes, idées délirantes, syndrome confusionnel aigu).  

Situation 6 : Soutenir et accompagner l’aidant

ContexteLa fatigue de l’aidant principal impacte directement la qualité du maintien à domicile.  
Rôle infirmier– Repérer les signes d’épuisement et proposer un relais.

– Orienter vers des structures de répit et d’aide : SSIAD, accueil temporaire, plateformes d’écoute.

– Informer sur les aides financières et logistiques.  

Les thérapies avancées :

Dans les stades avancés, des dispositifs spécifiques — que l’infirmier doit manipuler et surveiller — peuvent être prescrits.

ThérapieAdministrationObjectifSurveillance IDE  Points clés
Pompe apomorphineSous-cutané continuLisser les fluctuations ON/OFF  Site s/c TA Nausées Somnolence  Pas d’ajustement par l’IDE.
Duodopa ®   Lecigimon ® Sonde jéjunale + pompeApport stable de LévodopaPansement Débit Constipation Infections  Matériel complexe.   Suivi HAD.
Stimulation cérébrale profondeÉlectrodes de neurostimulation + boîtier implantéModuler l’activité neuronale  Plaie Comportement MotricitéNe pas manipuler le programmateur.
IRM sous conditions.  

Une vigilance particulière s’impose lorsque les troubles moteurs s’aggravent ou que les effets du traitement deviennent imprévisibles : la coordination IDE/neurologue est alors primordiale.

Dispositifs d’aide et de soutien

Besoin identifiéDispositif disponibleAccès / contact  
Répit de l’aidantSSIAD Accueil temporaire  Conseil départemental Plateformes d’accompagnement et de répit (CNSA 2024-2027).  
Soutien moralFrance Parkinson Groupes de paroles Webinaire aidants 2025  www.franceparkinson.fr   « Mon parent à la maladie de Parkinson »  
Aides financièresAPA, PACH, crédit d’impôtMDPH CAF
Sécurité du patientTéléassistance DomotiquePrestataires locaux Mairies  

Les acteurs clés de la prise en charge

La maladie de Parkinson requiert une prise en charge pluridisciplinaire et personnalisée.

L’infirmier y joue un rôle central : lien entre les acteurs du soin, il participe à l’éducation thérapeutiqueprévient les complications et aide le patient et sa famille à reconnaître les signes d’alerte.

Les acteurs clés du parcours de soins :

ProfessionnelsRôle principal  
Médecin traitant Neurologue Médecin spécialisé en MPRÉvaluation de la capacité physique et fonctionnelles. Suivi médical et adaptation du traitement. Collaboration avec les centres experts Parkinson si besoin.  
InfirmiersSoins, surveillance, coordination, éducation thérapeutique.  
Kinésithérapeutes Coach en activité physique adaptée (APA)  Rééducation motrice, prévention des chutes.  
OrthophonistePrise en charge de la communication et de la déglutition.  
DiététicienÉvaluation des troubles de la déglutition, adaptation des textures, surveillance du poids et de l’équilibre des menus (fibres « lutte contre la constipation par exemple).  
ErgothérapeuteAdaptation du logement, aidestechniques ou organisationnelles.  
Assistante socialeMise en place des aides à domicile.  
PsychologueSoutien émotionnel, accompagnement du patient et de la famille.  
SexologueAccompagnement dans les problèmes liés à l’intimité physique et émotionnelle.  
AidantsAide aux gestes quotidiens, accompagnement global.  

Réseau Parkinson à domicile

Accès aux soins et accompagnement

L’accès aux soins débute par une évaluation des besoins réalisée par le médecin ou l’infirmier coordinateur.

Les soins infirmiers, ainsi que le recours à un SSIAD ou à l’HAD, sont ensuite prescrits par le médecin.

En revanche, dans le cadre de la dépendance, c’est vous qui prescrivez vos interventions via le BSI.

Plusieurs dispositifs peuvent compléter la prise en charge : équipes mobiles Parkinson, centres experts régionaux, PTA. N’hésitez pas à les mobiliser.

Adaptation du logement et sécurité

Dans le cadre du suivi à domicile, la vigilance s’étend à la sécurité de l’environnement pour éviter les chutes, prévenir la dénutrition et maintenir l’autonomie. Il est donc parfois nécessaire d’adapter le logement en :

  • Installant des barres d’appui, sièges de douche, chemins lumineux.
  • Aménageant l’ergonomie de la cuisine et des zones de passage.
  • Sollicitant un ergothérapeute pour un diagnostic habitat.

Aides financières et dispositifs de soutien

L’accès à des ressources adaptées conditionne la qualité de vie, alors pensez à diriger votre patient vers une assistante sociale si besoin.

Type d’aideDescriptionOrganisme référent  
APAAllocation d’autonomie (> 60 ans, perte d’autonomie) : financement du maintien à domicile (2 volets : domicile / établissement), évaluation départementale, participation modulée selon ressources.  Conseil départemental.
PCHPrestation de compensation du handicap (tout âge sous conditions) :

aides humaines, techniques, aménagement logement/véhicule, transports, frais spécifiques, aides animalières…  
MDPH, Mon Parcours Handicap.  
ALD n° 16Affection de longue durée.

Prise en charge à 100 % des soins liés au Parkinson, après rédaction du protocole de soins (médecin traitant <-> médecin conseil).  
Assurance maladie.
Crédit d’impôtAide pour l’emploi à domicile.

Prise en charge à 50 % des dépenses annuelles consacrées à l’aide à domicile.  
Direction des impôts.


Focus sur l’avance immédiate

Le dispositif d’Avance immédiate, gratuit et optionnel, permet à vos patients de bénéficier automatiquement du crédit d’impôt de 50 % lors du règlement de la prestation.

Ainsi, aucune avance de trésorerie n’est nécessaire : l’avantage fiscal est déduit dès le paiement.

La boîte à outils du suivi Parkinson :

  • Carte médicale Parkinson : horaires de traitement, contacts d’urgence.
  • Carnet de suivi quotidien : symptômes, chutes, sommeil, alimentation.
  • Applications mobiles : rappels médicamenteux, suivi des effets secondaires.
  • Téléassistance : sécurisation pour les patients vivant seuls.
  • Matériel d’aide : cannes, releveurs, chaises adaptées, ustensiles ergonomiques.
  • Recommandations : guide HAS — parcours de soins maladie de Parkinson : repères coordination et rôle pro.

Qui peut bénéficier des soins infirmiers à domicile ?

Tout patient atteint de Parkinson sur prescription médicale (IDEL, SSIAD).

Comment gérer un oubli de traitement ?

En notant l’incident et en informant le médecin pour un éventuel ajustement. En revanche, on ne double jamais la dose.

Quels signes doivent alerter ?

Chutes fréquentes, confusion, amaigrissement, troubles de la déglutition.

Comment prévenir l’épuisement de l’aidant ?

Encourager le répit, informer sur les structures d’aide, assurer un relais régulier.

Quelle est la place de l’infirmier coordinateur ?

Il harmonise le suivi, centralise les informations et favorise la communication entre les professionnels.

Au-delà des protocoles et des grilles d’évaluation, accompagner un patient atteint de Parkinson, c’est écouter ce que la maladie ne dit pas.

Parce qu’elle transforme le rapport au corps, au temps et à soi-même, l’infirmier en devient souvent le fil conducteur : celui qui relie les gestes, les doutes et les espoirs.

Dans un contexte de progression constante de la maladie et de pénurie de médecins, sa place est centrale, irremplaçable — gardien de l’autonomie, garant de la continuité des soins, du bien-être et de la sécurité de son patient.

Être infirmier auprès d’un patient parkinsonien, c’est soigner avec rigueur, patience et humanité.

Sources :

France Parkinson : Les professionnels de votre parcours de soins.

France Parkinson : Journée mondiale de la maladie de Parkinson — France Parkinson alerte sur l’augmentation inquiétante du nombre de personnes malades. Il est urgent d’agir !

HAS : ALD n°16 

Pour-les-personnes-âgées.gouv.fr : Les aides fiscales pour les personnes âgées.

Particulier-urssaf : Le service Avance immédiate du crédit impôt

Parki_pote : compte d’une patiente atteinte de Parkinson et de sa fille.

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