La maladie de Parkinson est une affection neurodégénérative chronique et évolutive, souvent diagnostiquée tardivement.
Elle commence rarement avec un tremblement de repos ou d’autres signes classiques évocateurs.
Elle commence bien avant, — souvent plusieurs années avant les troubles moteurs —, de manière silencieuse, à travers des signes atypiques, que personne ne remarque … sauf vous : une toilette un peu plus longue, un geste qui hésite, un regard moins expressif, une fatigue intense, une constipation qui persiste.
Ces signes inauguraux discrets sont facilement mis sur le compte de l’âge, du stress ou d’un passage à vide. Pourtant, pour un œil formé, ils racontent déjà le début de la maladie.
C’est là que votre vigilance fait la différence.
Votre rôle est de reconnaître ce qui se cache derrière ces signaux faibles, les consigner, les relier entre eux, et savoir à quel moment il faut alerter et orienter.
C’est exactement ce que nous allons approfondir ici.
| Pourquoi le repérage précoce est essentiel ? Le délai moyen entre les premiers signes et le diagnostic est de 1 à 2 ans. Pourtant, certains symptômes non moteurs peuvent apparaître 5 à 10 ans avant les troubles moteurs. Détecter ces signes tôt permet d’améliorer la qualité de vie, de retarder la perte d’autonomie et de faciliter l’accès à un parcours de soins adapté. Dans la plupart des cas, l’infirmier(ère) est le premier témoin de ces signaux précoces. |
Les signes précoces à surveiller : moteurs et non moteurs

Les premiers symptômes sont souvent discrets, facilement attribués à l’âge, au stress ou à la fatigue.
Votre observation quotidienne est alors déterminante : elle vous permet de repérer ces nuances subtiles, ces petits indices qui, mis bout à bout, annoncent parfois le début d’un trouble avant qu’il ne devienne invalidant.
A. Les signes moteurs précoces
| Signe | Manifestations cliniques | Observation infirmière | Réflexe professionnel |
| Bradykinésie (lenteur gestuelle) | Difficulté à initier ou répéter un mouvement ; gestes appauvris | Lenteur à la toilette, à l’habillage, transferts plus longs | Adapter le rythme, noter et signaler. |
| Tremblement de repos | Tremblement fin, unilatéral, présent au repos et diminuant avec l’action | Visible en position relâchée, accentué par le stress | Observer la symétrie, la fréquence, le contexte. |
| Rigidité musculaire | Raideur des membres, douleurs diffuses, résistance uniforme à la mobilisation passive | Mobilisation douloureuse, difficulté à plier les membres | Surveiller l’impact fonctionnel et signaler pour débuter la kinésithérapie. |
| Troubles posturaux et de la marche | Posture voûtée, petits pas, freezing, difficulté à tourner | Marche instable, franchissement des seuils difficile | Sécuriser l’environnement, noter les chutes. |
| Micrographie et hypophonie | Écriture plus petite, voix monotone et plus faible | Changement de signature, communication réduite | Encourager la consultation médicale. |
| Diminution du balancement des bras | Perte du geste pendulaire unilatéral | Bras immobile en marche | Noter l’asymétrie et le début du signe. |
| Freezing précoce | Blocage soudain de l’initiation | Arrêts brusques en virage | Sécuriser et signaler rapidement. |
B. Les signes non moteurs : souvent les premiers à apparaître
Dans 85 % des cas, les symptômes non moteurs apparaissent bien avant la moindre gêne motrice. Les recommandations récentes rappellent combien ces signes précoces sont essentiels à reconnaître.
| Signe | Indicateurs observables | Importance clinique |
| Troubles du sommeil (TSP, agitation nocturne) | Mouvements brusques pendant le sommeil, cauchemars, mimétisme de rêves | Très évocateurs, signe inaugural fréquent. |
| Constipation persistante | Moins de 3 selles par semaine sans cause digestive et malgré une bonne hydratation | Dysautonomie précoce : marqueur fréquent. |
| Hypoosmie (perte d’odorat) | Le patient « ne sent plus rien » depuis plusieurs mois | Souvent ignoré mais signe prodromique majeur. |
| Anxiété, apathie, état dépressif | Perte d’intérêt, tristesse inhabituelle, retrait social et isolement | Souvent inaugural et confondu avec un trouble psychique isolé. |
| Troubles cognitifs légers | Lenteur de pensée, difficulté à suivre une conversation, difficulté de concentration | Fragilité cognitive précoce à surveiller. |
| Fatigue, douleurs diffuses | Plainte vague, perte d’énergie | Souvent le premier signe rapporté par l’aidant. |
| Troubles urinaires (urgence, nycturie) | Mictions nocturnes répétées, fuites | Dysautonomie précoce. Très fréquents. |
| Hypotension orthostatique | Vertiges au lever, instabilité | Peut précéder les troubles moteurs. |
| Douleurs neuropathiques et crampes | Crampes nocturnes, élancements | Signes sensitifs précoces. |
| Sialorrhée, sécheresse buccale | Hypokinésie orofaciale | Fréquents. |
| Troubles thermiques | Intolérance chaud/froid | Dysautonomie précoce. |
| Distinguer un signe isolé d’un faisceau évocateur : Un tremblement discret ou un léger ralentissement peut être bénin lorsqu’il apparaît seul. Si ce signe isolé n’a rien d’alarmant en soi, il mérite d’être surveillé, surtout s’il se répète ou s’intensifie. En revanche, l’association de plusieurs signes moteurs et non moteurs doit alerter et conduire à une évaluation précoce. Pensez à noter la fréquence, la durée et le contexte de ces manifestations dans le dossier de soins infirmiers (DSI). |
Démarche clinique infirmière : observer, consigner, orienter
Observer dans le quotidien du soin
Lorsque vous accompagnez un patient atteint de la maladie de Parkinson, la surveillance clinique au quotidien est essentielle. Elle vous permet de :
- Repérer les changements lors des soins courants (toilette, repas, marche).
- Évaluer la lenteur, la symétrie, la fatigue, la fluidité des gestes.
- Noter les répercussions fonctionnelles sur l’autonomie, l’alimentation, ou la sécurité.
Tracer les observations et communiquer
Observer la gestuelle, la voix, la posture, la marche ou encore les expressions du visage doit faire partie de votre routine quotidienne.
Consigner ces éléments permet de suivre l’évolution des symptômes et de transmettre des informations claires au médecin. Votre rôle est de :
- Les documenter dans le DSI avec une description clinique précise, la date, le contexte et l’évolution.
- Partager vos observations avec le médecin traitant.
- Échanger avec les aidants pour compléter votre évaluation.
Orienter sans alarmer
En présence de signes subtils ou si vous suspectez une maladie de Parkinson, il est important d’orienter votre patient vers une consultation médicale, sans pour autant l’inquiéter inutilement.
- N’évoquez jamais de diagnostic, mais encouragez la consultation médicale.
- Formulez une observation neutre : « Certains signes mériteraient d’être évalués par un spécialiste. »
- Maintenez une relation de confiance avec le patient et ses proches.
| Réflexes infirmiers en cas de suspicion En cas de repérage de signes subtils ou de doute : – Observez les signes en situation réelle. – Consignez avec précision dans le DSI. – Échangez avec le médecin référent. – Informez et soutenez les proches. – Assurez le suivi et la continuité de la surveillance. |
Pièges cliniques et points de vigilance
Certains signes atypiques peuvent être de véritables pièges cliniques et retarder le diagnostic. Une vigilance accrue est donc essentielle.
Elle permet d’éviter de confondre une bradykinésie avec un simple ralentissement lié à la fatigue ou à l’âge, ou d’attribuer systématiquement une dépression ou une apathie à un contexte psychosocial.
Face à des symptômes persistants, il faut toujours envisager une cause neurologique, et considérer l’association de plusieurs signes légers comme un signal d’alerte.
| À ne pas négliger : Un tremblement discret ou une lenteur isolée peuvent sembler anodins. Mais lorsqu’ils s’associent à une constipation chronique ou à une hypophonie persistante, ils doivent conduire à une évaluation médicale. |
Se former et rester vigilant : actualiser ses connaissances
Pourquoi la formation continue est indispensable
La maladie de Parkinson évolue chez tous les patients, mais jamais de la même manière. Elle avance souvent en silence, pendant des années, avant qu’un diagnostic ne soit posé — alors qu’elle a déjà commencé à bouleverser le quotidien.
Certains signes annoncent pourtant son arrivée. Mais parce qu’ils sont discrets, parce qu’ils ressemblent à autre chose — à de la fatigue, à un passage difficile — on peut passer très facilement à côté.
Seul un regard formé peut les reconnaître.
C’est là que la formation continue prend tout son sens : elle affine votre perception, vous aide à repérer tôt ces signaux faibles, à les consigner, à alerter et à orienter au bon moment, bien avant que la maladie ne dégrade la qualité de vie du patient.
Se former, c’est aussi apprendre à identifier les formes atypiques et à mieux collaborer avec les médecins.
Enfin, actualiser ses connaissances, c’est offrir à vos patients un repérage plus précoce et plus juste.
Ressources professionnelles
Alors pour approfondir votre regard clinique, n’hésitez pas à suivre notre formation DPC – « Recommandations sur la prise en charge de la maladie de Parkinson ».
Vous pouvez aussi vous appuyer sur les ressources actualisées de la HAS, de France Parkinson ou de santé.gouv.fr pour adapter vos pratiques aux dernières données.
N’hésitez pas à les explorer.
Étude de cas clinique
Mme L., 78 ans, suivie pour son Parkinson depuis 9 ans, a perdu l’appétit.
Sa marche est ralentie, ses gestes sont plus hésitants, ses soins sont plus longs.
L’infirmière note des épisodes de « freezing » et une fatigue accrue en fin de journée.
Transmise au médecin, l’information a permis de réajuster le traitement, et de débuter un suivi orthophonique.
En quelques semaines, l’état de Mme L. s’est amélioré.
Le repérage rapide a évité la dénutrition et l’hospitalisation.
| Soutien de l’autonomie : Quand la maladie prend trop de place, le patient doute, se décourage, s’agace, se replie. L’infirmier l’aide alors à réorganiser le quotidien : il planifie les activités aux heures « on », et encourage son patient à accepter l’aide et les temps de repos. Il écoute les ressentis, accompagne les ajustements et éduque pour apprendre à signaler précocement les difficultés. |
FAQ : Questions fréquentes des infirmiers
1. Peut-on repérer la maladie avant les tremblements ?
Oui. Des signes comme la perte d’odorat, les troubles du sommeil (TSP), la constipation, l’apathie ou une fatigue inhabituelle peuvent précéder les troubles moteurs de plusieurs années.
2. Que faire si le patient refuse de consulter ?
Maintenez le dialogue, poursuivez l’observation clinique et informez le médecin référent. L’écoute, la patience et la reformulation régulière des faits objectifs favorisent la prise de conscience.
Évitez toute insistance anxiogène, privilégiez la pédagogie et la continuité du lien de confiance.
3. Existe-t-il des formes précoces chez les sujets jeunes ?
Oui. Les formes dites « jeunes » (< 50 ans) représentent environ 10 % des cas. Leur évolution est souvent plus lente, leurs symptômes initiaux atypiques (douleurs, dystonies, troubles psychiatriques). Le repérage non moteur est particulièrement déterminant dans cette population.
4. Quels outils peuvent aider au repérage infirmier ?
En plus du DSI informatisé, il existe des grilles d’observation clinique, les fiches de suivi des symptômes, les outils de coordination ou encore certaines applications de télésuivi.
L’échange régulier avec les aidants et l’équipe pluridisciplinaire complète cette observation.
Pour conclure…
Repérer les premiers signes de la maladie de Parkinson n’est pas un détail : c’est un acte déterminant du soin. Les symptômes sont parfois discrets, mais leur identification précoce peut éviter des retards diagnostiques, accélérer l’accès aux traitements, et préserver la qualité de vie.
Votre observation ne se limite pas à la clinique : elle touche à la dignité, au quotidien, à la qualité de vie du patient. Voir tôt, c’est offrir du temps. C’est permettre une prise en charge adaptée avant que la maladie n’emporte trop d’autonomie, trop d’énergie, trop d’espace dans la vie de votre patient.
Observer, consigner, orienter sont trois gestes simples de votre quotidien, mais trois gestes qui contribuent chaque jour à un repérage plus juste, à un accompagnement plus humain, et à un diagnostic plus précoce.
Sources :
sante.gouv.fr : La maladie de Parkinson
HAS : Guide du parcours de soins : Maladie de Parkinson
France parkinson : Les premiers symptômes de la maladie de Parkinson.