Conduite à tenir face à un patient agressif : prévenir, désamorcer, protéger

Insultes, coups, menaces, dégradations de mobilier… Vous avez tous assisté un jour ou l’autre à un acte de violence de la part de l’un de vos patients, que vous exerciez à l’hôpital, en clinique, en EHPAD ou à domicile.

À l’hôpital, 65 actes de violence sont signalés chaque jour. Aux urgences, c’est un toutes les 30 minutes. En libéral, deux infirmiers sur trois disent avoir déjà été confrontés à des violences, souvent sexistes ou sexuelles.

Longtemps banalisés, ces actes laissent pourtant des traces. Les reconnaître, les anticiper, les désamorcer, c’est le moyen le plus sûr et le plus efficace pour vous protéger et protéger vos patients.

Alors comment gérer les comportements agressifs de vos patients, tout en sécurisant vos pratiques ?

C’est ce que nous allons voir ensemble.

Nature des violences à l’hôpital :

– Violences physiques ou menaces avec arme : 50,9%
– Insultes ou injures : 29,9%
– Menaces d’atteintes à l’intégrité physique : 16,5%
– Violences avec arme : 2,7%.
patient qui hurle sur une infirmière

Un comportement agressif, qu’il soit verbal ou physique, peut survenir pour diverses raisons : douleur, anxiété, incompréhension du diagnostic ou du soin, attente prolongée… Reconnaître les signes avant-coureurs permet d’anticiper une aggravation et de mieux gérer la situation.

Facteurs médicaux

L’agressivité peut être le symptôme d’une pathologie sous-jacente. Des troubles psychiatriques (psychose, démence, addictions ou sevrage, états confusionnels), des douleurs mal soulagées, une angoisse massive ou une dépression sévère sont autant de terrains propices à la colère et à l’hostilité.

Chez certains patients, un simple changement de traitement ou une poussée de douleur aiguë peut aussi suffire à faire sauter le verrou de l’inhibition et favoriser un passage à l’acte.

Facteurs contextuels

Parfois, c’est l’environnement lui-même qui exacerbe la tension. Attente interminable aux urgences, stress, sentiment d’abandon ou de mépris, frustration face à une réponse jugée inadéquate… L’agressivité devient alors un mode de communication : celui d’un mal-être ou d’un sentiment d’injustice.

Facteurs relationnels

Une communication maladroite, un ton trop sec, un regard fuyant ou une absence d’écoute peuvent également faire basculer la relation soignant-soigné.

La qualité de votre posture relationnelle est donc déterminante.

Loin d’être anodine, elle agit comme levier de désescalade — ou au contraire, de tension.

Importance de l’objectivation de l’agressivité

Face à un patient agressif, le réflexe naturel est souvent de se sentir visé. Or dans la majorité des cas, l’agressivité est une réaction à un contexte, une douleur, un trouble. L’objectiver permet de ne pas l’intérioriser, et donc de mieux la contenir.

Signes verbaux et comportementaux

Avant que la violence n’éclate, certains signaux annoncent un passage à l’acte : changement de ton, voix qui monte dans les aigus, débit verbal qui s’accélère, propos incohérents, provocateurs ou insultants, regard fixe, posture intimidante, tension musculaire, refus de coopérer, contestation répétée des soins…

Tous ces signes ne sont pas à prendre à la légère, et doivent alerter.

Signes physiques

L’agitation motrice, les gestes brusques, l’hypervigilance, voire une sudation excessive peuvent aussi être annonciateurs d’un passage à l’acte imminent.

Aménagement de l’environnement

Le premier principe est de ne jamais se retrouver isolé face à un patient à risque : votre binôme doit toujours être à proximité, prêt à intervenir si besoin.

De même, l’environnement doit être sécurisé : porte de sortie visible et accessible, suppression des objets dangereux …

Préparer l’espace, c’est déjà sécuriser sa pratique.

Communication adaptée

La posture relationnelle est la clé d’une communication apaisée, surtout quand le patient manifeste de l’hostilité.

Un ton posé, une posture ouverte, et un regard apaisant permettent souvent de désamorcer les tensions.

Reformuler avec empathie — « Je comprends que ce soit long et pénible » — permet de faire redescendre la pression et de rétablir la communication.

Il est aussi fondamental de garder une distance de sécurité, ni menaçante ni fuyante, mais protectrice. Et de savoir passer le relais à un collègue plus rassurant si nécessaire.

Désescalade verbale

Quand la tension monte, garder votre calme et maîtriser vos émotions sont vos meilleurs atouts.

Il faut impérativement éviter la surenchère émotionnelle, et valider l’émotion du patient sans toutefois cautionner l’agression. Une phrase comme : « Je comprends que cela vous mette en colère, mais je ne peux pas accepter que vous me parliez ainsi. » suffit généralement à apaiser les tensions et à rétablir le dialogue.

Proposer une alternative ou un choix (« Vous préférez qu’on en parle ici ou dans le bureau ? ») redonne aussi souvent un sentiment de contrôle au patient.

Et si le dialogue devient impossible, il ne faut pas hésiter à demander du renfort quand la situation s’aggrave.

Les trois stades de tension (HAS) :

Stades de tension :Caractéristiques :Stratégies adaptées :
Stade 1 :Petites frictions du quotidien.Réponses immédiates, même partielles pour éviter l’escalade.  

Accorder de l’importance à la demande, programmer un temps de réponse et le respecter.  

Observer et noter les signaux annonciateurs.
Stade 2 :Montée de tension.Entretien individuel dans un lieu sécurisé.  

Posture calme, voix posée, respect de l’espace.  

Définir les besoins du patient et trouver des solutions.
Stade 3 :Situation de crise (dialogue difficile, tension maximale).Isoler le patient.  

Mobiliser une équipe : une partie pour gérer la crise, l’autre, pour rassurer les patients du service.  

Rappeler le cadre et les règles du service.  

Proposer un temps de calme ou un traitement médicamenteux si besoin.  

Trouver un compromis pour accéder à la demande du patient.

Sécurisation immédiate

Quand la situation dégénère et que l’agressivité physique prend le pas sur le dialogue, la priorité absolue est la sécurité : celle du soignant, celle du patient et celle des autres personnes présentes.

Dans certains cas, l’éloignement physique du patient doit être envisagé, sans toutefois recourir à la violence.

Enfin, la contention physique peut être utilisée en dernier recours, et dans le respect strict du cadre légal.

Si la situation échappe au contrôle de l’équipe, faire appel aux agents de sécurité ou aux forces de l’ordre peut être nécessaire. Il n’y a aucune honte à reconnaître ses limites face à une violence incontrôlable.

Légitime défense et protection

En cas d’agression directe, le Code pénal reconnaît le droit à la légitime défense, à condition que la réponse soit proportionnée et limitée à la menace immédiate. Il ne s’agit pas de se battre, mais de se protéger.

Débriefing d’équipe

Une agression ne doit jamais être minimisée. Chaque situation de violence mérite un temps de retour.

C’est l’occasion de verbaliser le vécu, évacuer le stress, comprendre mais aussi d’identifier les signes avant-coureurs qui ont pu vous échapper, et ajuster les actions. C’est une étape essentielle pour prévenir le stress post-traumatique.

Par ailleurs, il est indispensable de reprendre la situation de crise avec le patient pour lui permettre de comprendre son propre fonctionnement et de l’aider à repérer ses déclencheurs.

Janvier 2025 – Service des urgences d’Annemasse :

Sept soignants sont blessés lors d’une agression collective. Les violences physiques ont causé des traumatismes graves, dont des fractures.

Le service a dû fermer temporairement pour protéger le personnel.

Soutien psychologique aux soignants

Un soignant agressé ne doit jamais rester seul. La parole et le soutien des collègues sont essentiels. Dans certains cas, un accès à une cellule psychologique est nécessaire pour éviter l’accumulation de traumatismes.

Signalement via les circuits institutionnels

Toute situation d’agression doit être signalée : registre d’événements indésirables, médecin du travail, déclaration à la HAS ou à l’ONI…

Il ne faut pas avoir honte ni redouter de perdre des patients. Ce n’est pas une démarche punitive, mais préventive. Elle permet d’alerter, de documenter, et parfois de faire évoluer les protocoles, les pratiques, d’aménager les lieux pour éviter de futurs incidents et d’actualiser le contenu des formations.

Et, vous avez parfaitement le droit de porter plainte contre un patient.

Mai 2025 – Vénissieux (Rhône) :

Une infirmière libérale est agressée dans un immeuble alors qu’elle se rendait chez un patient.

Rouée de coups par un guetteur, elle a déposé plainte. L’agression a suscité une forte réaction dans la profession et relancé le débat sur la sécurité à domicile.

Droits du patient et législation

Le Code du travail impose à l’employeur de garantir la sécurité de ses salariés.

Quant à l’article 222-13 du Code pénal, il reconnaît les violences sur soignants comme des circonstances aggravantes.

En parallèle, la charte de bientraitance garantit le respect des droits des patients.

Elle veille aussi à ce que les soignants travaillent en toute sécurité.

Pour cela, il est essentiel que le respect soit mutuel.

Formations DPC

Pour protéger le personnel soignant des actes de violence, la meilleure arme reste la prévention. Toutes les mesures nécessaires doivent être mises en place pour sécuriser l’exercice et aménager l’environnement de travail.

Il est également indispensable d’instaurer une politique de tolérance zéro face aux comportements violents.

Enfin, la prévention des risques passe aussi par la formation des équipes à la gestion des conflits, à la communication en situation difficile et aux techniques de désescalade, pour les préparer, mais aussi pour leur permettre de répondre de manière coordonnée aux situations de crise. Les jeux de rôle et les simulations peuvent aussi vous aider à intégrer les réflexes protecteurs.

Protocoles institutionnels

Enfin, chaque structure devrait disposer d’une procédure spécifique écrite en cas de violence (« Conduite à tenir face à un patient violent »).

Un affichage rappelant les comportements attendus dans les espaces d’accueil peut également être utile pour rappeler le cadre (charte du comportement, règles de sécurité.).

Face à l’agressivité, l’improvisation n’a pas sa place. Elle nécessite une réponse professionnelle, adaptée, anticipée et structurée.

Pour cela, il est indispensable de protéger et former les équipes aux techniques de désamorçage et à l’apprentissage de la bonne posture professionnelle à adopter. La posture qui protège, apaise, et restaure la relation de soin.

C’est un devoir de sécurité, mais aussi un acte de respect – pour les soignants autant que pour les patients.

Alors si vous souhaitez actualiser vos connaissances ou acquérir les outils pour vous protéger et sécuriser votre exercice, n’hésitez pas à vous inscrire à l’une de nos actions de formation dédiées à la communication non-violente.

Et, si cet article vous a été utile, partagez-le à vos collègues.

Source :

HAS

ONI

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