Chaque année, la mammographie permet de sauver des milliers de vies en détectant précocement les cancers du sein. Pourtant, en France, plus d’une femme sur deux ne répond toujours pas à l’invitation au dépistage organisé, et plus d’un million n’ont jamais réalisé de mammographie.
Derrière ce refus, il n’y a pas toujours de la négligence à l’égard de sa santé. Il y a souvent des peurs, des blessures, des contraintes ou une défiance envers le système de santé.
Écouter ces réticences sans jugement, c’est récréer le lien et redonner confiance.
En tant que sage-femme, votre rôle n’est pas de convaincre coûte que coûte. C’est écouter, expliquer et accompagner les peurs et les doutes sans juger.
Alors, quels sont les principaux freins, et comment renforcer l’adhésion au dépistage organisé ? C’est ce que nous allons revoir ensemble ici.
| Rôle de la sage-femme : – Sensibiliser, écouter, rassurer. – Identifier les principaux freins (émotionnel, pratique, culturel). – Informer sur les bénéfices, les limites et la double lecture. – Proposer un RDV de réévaluation et l’orientation vers les CRCDC ou une consultation en oncogénétique. |
Mammographie : de quoi parle-t-on ?
Définition et objectifs
La mammographie est une radiographie des seins qui permet de détecter précocement des lésions invisibles à la palpation. Simple et rapide, c’est l’outil de référence pour lutter contre la mortalité liée au cancer du sein.
| À retenir : – En France, le dépistage organisé, c’est tous les deux ans, pour les femmes âgées de 50 à 74 ans. – Le taux de participation actuel avoisine les 45-46 %. – Le cancer du sein touche pourtant plus de 60.000 femmes par an et en tue environ 12.000 chaque année. – Dépisté tôt, le pronostic est excellent : la survie nette à 5 ans est de 88 % toutes phases confondues. – La double lecture systématique renforce la fiabilité diagnostique. |
Organisation pratique
L’organisation du dépistage s’articule autour d’une invitation envoyée par les organismes d’assurance maladie —via notre compte Ameli—, suivi d’un rendez-vous planifié dans un centre agréé. L’examen dure une dizaine de minutes, deux clichés par sein sont réalisés.
Dans le cadre du dépistage organisé, l’examen est pris en charge sans avance de frais dans les centres agréés ou remboursé à 100 % par les organismes d’assurance maladie.
Un encadrement strict garantit un bon équilibre entre les bénéfices diagnostiques et les risques liés aux faibles doses de radiation —en moyenne 0,7 mSv vs 2,4 mSv/an d’irradiation naturelle.
| En bref : – Invitation des caisses d’assurance maladie (courrier, compte Ameli). – Double lecture systématique. – Pris en charge à 100 %. – Durée de l’examen : 10-15 min – Douleur : légère gêne, ajustable. – Clichés : 2 par sein. |
Pourquoi certaines femmes refusent la mammographie ?

Les freins sont multiples — émotionnels, pratiques, culturels ou idéologiques — qu’il est essentiel de distinguer pour apporter des réponses adaptées et respectueuses.
Raisons émotionnelles et psychologiques
Pour beaucoup, la mammographie est synonyme de cancer. Et le cancer renvoie à la mort. La peur du diagnostic est donc un élément majeur à interroger en cas de refus.
Certaines femmes préfèrent ne pas savoir, persuadées qu’en l’absence de symptôme, il n’y a pas de danger.
D’autres ont vécu une expérience douloureuse (accueil froid, compression brutale du sein, manque d’écoute) et n’osent pas recommencer.
| À noter qu’une boule au sein n’est pas toujours synonyme de cancer. Il peut aussi s’agir d’une lésion bénigne, d’un kyste ou d’un fibroadénome. Et la douleur n’est pas signe de gravité. Au contraire. En général, une tumeur au sein ne fait pas mal. En revanche, en cas d’anomalie clinique associée (déformation du sein, écoulements ou rétractation du mamelon…), une consultation immédiate s’impose. |
Raisons pratiques et sociales
Aux raisons émotionnelles peuvent s’ajouter des contraintes logistiques : barrière de la langue, emploi du temps saturé, surcharge mentale, difficultés d’accès aux centres de radiologie —notamment en zones rurales—, rendez-vous pris d’assaut, délais extrêmement rallongés. Certaines femmes ont du mal à caler ou simplement à trouver un rendez-vous.
D’autres évoquent le « coût caché » : si l’examen est théoriquement gratuit, certains centres de radiologie ne pratiquent pas l’avance de frais, et la récupération de cette somme pour les franchises médicales représente un frein réel pour les femmes aux revenus modestes.
Raisons idéologiques et personnelles
Enfin, les croyances ne sont pas à prendre à la légère.
Si les tabous culturels ou religieux liés au corps et à la maladie peuvent freiner le dépistage (pudeur, interdits, représentation du corps), pour certaines femmes, c’est la méfiance envers les institutions de santé qui peut être un obstacle.
D’autres, redoutent les effets secondaires ou l’impact des rayons, jugés cancérigènes, ou pensent que si elles n’ont pas d’antécédents familiaux ou qu’elles n’ont jamais pris de traitements hormonaux (pilule contraceptive, traitement de substitution lors de la ménopause), elles ne sont pas concernées par le cancer.
Pourtant, 65 % des femmes atteintes d’un cancer du sein n’ont aucun antécédent identifié, et le premier facteur de risque reste l’âge.
| À noter que l’arrêt du dépistage organisé à l’âge de 75 ans, ne fait pas disparaître le risque d’avoir un cancer du sein, puisque l’âge est justement un facteur de risque. Et si l’âge est un facteur de risque, être âgée de moins de 50 ans n’écarte pas non plus le risque d’avoir un cancer du sein. Le risque d’avoir un cancer du sein, en dehors de la « zone cible » ne doit être ni écarté ni sous-estimé : il reste aussi grave à stade égal quel que soit l’âge. Dans ces cas, le dépistage se discute au cas par cas en fonction du profil. |
Freins et leviers d’accompagnement :
- Frein émotionnel → écoute empathique, validation, décision partagée.
- Frein pratique → aide à la prise de RDV, créneaux adaptés, unités mobiles.
- Frein culturel → supports multilingues, intervention adaptée.
Déconstruire les idées reçues
| Idées reçues : | Réalités et arguments professionnels : |
| La mammographie est douloureuse. | La crainte de la douleur est légitime. Alors indiquez que l’examen ne dure que quelques minutes, qu’une gêne est possible, mais ajustable selon la sensibilité. Et aujourd’hui, non seulement les manipulateurs sont mieux formés au geste, mais que les femmes peuvent aussi participer au positionnement de leurs seins. |
| Les rayons sont dangereux. | Les cancers radio-induits existent, mais seulement après des expositions répétées. Or, les doses ici sont très faibles, et strictement encadrées. L’irradiation moyenne d’une mammographie correspond à environ 3 mois d’exposition naturelle. Le bénéfice du dépistage dépasse donc largement le risque théorique. |
| Je n’ai pas de symptômes donc pas de risque. | La plupart des cancers précoces sont asymptomatiques. La mammographie permet de les repérer précocement. |
| Le dépistage ne sert à rien, de toute façon, on en meurt toujours. | Dépisté tôt, un cancer du sein nécessite des traitements plus légers, et a un excellent pronostic (la survie nette à 5 ans est de 88 %). |
| Il y a trop de faux positifs et de surdiagnostics. | Le taux de rappel (examen positif avant bilans) est d’environ 15,5 % au premier dépistage et 7,2 % ensuite ; la double lecture réduit le risque d’erreur et sécurise le diagnostic. |
Accompagner une patiente réticente
Écouter sans juger
L’entretien avec votre patiente permet avant tout d’identifier le frein dominant, de comprendre la situation et d’adapter le message.
Écouter sans juger, reformuler, poser des questions ouvertes, valider les émotions exprimées : ces étapes peuvent déjà faire sauter un premier verrou émotionnel. Souvent, les femmes ne refusent pas la mammographie : elles refusent la peur qu’on n’a pas su écouter et apaiser.
Informer clairement
Comme nous le rappelle la HAS, le dépistage n’a de sens que s’il s’inscrit dans une démarche de consentement éclairé, fondée sur une information loyale, claire et adaptée au vécu de la patiente.
Informer, c’est partager des connaissances sans les imposer. C’est parler des bénéfices et des limites, de l’impact du diagnostic précoce, du déroulé de l’examen, du rôle du CRCDC, de la double lecture et du suivi.
Alternatives douces / autosurveillance
Et si le refus persiste, laissez la porte ouverte : proposer un examen clinique, rappeler les signes d’alerte, proposer un rendez-vous de réévaluation, rappeler qu’il est possible de choisir le moment de l’examen selon le cycle, et valider la liberté de choix.
Rappelez qu’aucune méthode alternative n’offre aujourd’hui la même fiabilité que la mammographie pour la population cible.
3 phrases clés à dire en consultation pour rassurer :
- « L’examen est relu par deux experts, ce qui renforce sa fiabilité. »
- « La mammographie dure quelques minutes, et on peut choisir un moment du cycle où les seins sont moins sensibles. »
- « Si aujourd’hui ce n’est pas le bon moment, on peut reprogrammer un rendez-vous. L’important, c’est que le choix soit libre et informé. »
Favoriser l’adhésion au dépistage
Renforcer l’adhésion passe aussi par des actions concrètes et pluridisciplinaires :
- Accessibilité : unités mobiles, créneaux étendus, aide à la prise de RDV.
- Communication : messages empathiques et clairs, supports multilingues, lecture facile.
- Rôle des sages-femmes : repérage des non-participantes et des freins, relais vers le CRCDC ou le médecin.
- Travail en réseau : infirmiers, kinésithérapeutes, associations et relais communautaires (Ligue contre le cancer, Ruban Rose, Rose Up).
Arbre décisionnel rapide :
- 50-74 ans risque moyen → dépistage organisé.
- < 50 ans sans facteur de risque → examen clinique, prévention.
- Risque élevé → IRM ± mammographie, orientation en oncogénétique.
- Suspicion clinique → parcours diagnostique complet (imagerie + biopsie).
FAQ
- Que faire si une patiente refuse la mammographie malgré information ?
Proposez un accompagnement personnalisé et un suivi différé.
- Comment expliquer la double lecture et son intérêt ?
Elle renforce la sécurité et la fiabilité du diagnostic.
- Existe-t-il des alternatives sûres pour population à risque moyen ?
La mammographie reste l’examen de référence pour les femmes à risque moyen.
- Comment documenter le refus dans le dossier médical ?
Tracer l’information délivrée et la décision partagée.
- Quels outils pour lever les freins pratiques ou culturels ?
Supports multilingues, médiation culturelle, accompagnement logistique.
Pour conclure…
Le refus du dépistage ne traduit pas toujours un rejet du soin : il révèle souvent une peur, une méfiance, ou un manque d’écoute.
En redonnant du sens à la prévention, en rétablissant le dialogue et en valorisant le choix éclairé de vos patientes, vous restaurez la confiance.
Votre rôle n’est pas seulement déterminant pour repérer et éduquer vos patientes, il l’est pour accompagner chaque femme, sans pression, avec bienveillance et constance.
Enfin, accueillir un refus, ce n’est pas abandonner votre patiente à son sort : c’est lui ouvrir un espace où elle se sent respectée et reconnue dans sa compétence à décider pour elle-même.
Si vous souhaitez aller plus loin et affiner votre accompagnement, nos formations dédiées au cancer peuvent vous apporter des outils concrets pour mieux répondre aux réticences avec justesse et sérénité.
Enfin, si cet article vous a plu, partagez-le.
Source :
Santé Publique France : dépistage du cancer du sein
Modernisation.gouv.fr : dépistage du cancer du sein : passer de l’intention à l’action.