Sevrage tabagique : rôle, outils et interventions de l’infirmier

Le tabac cause environ 75 000 décès chaque année.
C’est la première cause de mortalité évitable en France.

Quinze millions de Français déclarent avoir fumé au moins une fois dans l’année, et on estime à 11 millions le nombre de fumeurs quotidiens.

La prévalence du tabagisme est en baisse, mais elle n’en reste pas moins élevée, surtout chez les populations à faibles revenus.

Si l’on connait depuis longtemps les méfaits du tabac sur la santé du fumeur actif, mais aussi sur celui qui inhale passivement sa fumée, il ne suffit pas d’en connaître les risques pour savoir lutter contre ce qui est l’une des addictions les plus difficiles à combattre à l’heure actuelle, surtout quand on est seul pour le faire.

Heureusement, la lutte contre ce fléau qui tue précocement un fumeur sur deux, est devenue une priorité de santé publique, et un combat que tous les acteurs du soin mènent de front et conjointement.

En tant qu’infirmiers, vous êtes donc devenus un maillon incontournable du sevrage tabagique.

Un diplôme spécialisé en tabacologie vous permet d’ailleurs de soutenir au mieux le fumeur désireux de se débarrasser de sa dépendance à la nicotine.

Alors, quel est précisément votre rôle dans la prise en charge du sevrage tabagique ? De quelles ressources disposez-vous pour repérer, accompagner et impliquer vos patients dans leur démarche, et prévenir les rechutes ?

C’est ce que nous verrons ci-après.

Si l’on sait que le sevrage est une période délicate, souvent ponctuée d’envies irrépressibles, de craquages et de doutes, et que l’accompagnement et le soutien psychologique sont la base de la prise en charge du patient dépendant, les traitements nicotiniques de substitution (TNS) peuvent compléter l’arsenal thérapeutique pour soulager les symptômes liés au sevrage, réduire l’envie de fumer et prévenir les rechutes.

Prescription infirmière :

Et ça tombe bien, puisque depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, que vous soyez infirmier libéral ou infirmier spécialisé en tabacologie (Idet), vous pouvez prescrire ces substituts nicotiniques (patchs, gommes, pastilles, etc.), à condition que l’ordonnance reste dans le cadre de votre exercice, c’est à dire que la prescription concerne les patients que vous suivez déjà.

Formation tabacologique :

Mais, si vous pouvez prescrire les TNS sans avoir suivi de formation préalable, pour accompagner vos patients dans leur démarche de sevrage, il est fortement recommandé de participer à une action de formation dédiée : DU de tabacologie, séminaires de l’AFDET, etc.

En effet, l’acquisition de compétences spécifiques en matière d’éducation thérapeutique, de techniques d’entretien, dont l’entretien motivationnel qui est au cœur de la prise en charge du sevrage, et la pharmacologie des substituts, vous permettent de proposer un accompagnement de qualité à votre patient, et de lui donner toutes les clés pour mener le sevrage à son terme.

Responsabilités spécifiques :

Cet accompagnement comporte :

  • L’information, la prévention et la coordination des soins.
  • Un entretien initial destiné à évaluer la dépendance, la motivation et le projet du fumeur.
  • La mise en œuvre d’un suivi personnalisé régulier.

La première étape, fondamentale dans la prise en charge du fumeur, est l’évaluation initiale. Elle conditionne la réussite de la démarche.

Recueil des données :

Pour ce faire, votre recueil de données doit être complet. Il doit vous permettre de :

  • Relever les antécédents médicaux, les maladies en cours, les facteurs de risque, les traitements.
  • D’analyser les habitudes de vie : sommeil (qualité, horaires), repas, activités ; les conditions de vie, l’environnement et les ressources du patient.
  • Évaluer les habitudes de consommation : nombre de cigarettes, moment-clé, déclencheurs.
  • Rechercher les tentatives d’arrêt antérieures, et les contextes de rechute.

Évaluation de la dépendance :

Pour évaluer la dépendance et la motivation, vous disposez de différents outils dont les principaux sont :

  • Le Test de Fagerström, qui permet d’évaluer la dépendance physique.
  • L’Échelle de Richmond ou le modèle de Prochaska et DiClemente, indiquéspour évaluer la motivation : pré-intention, intention, décision, action et maintien de l’abstinence.

Analyse des freins et leviers :

Vous évaluez également les freins (stress, environnement fumeur, anxiété) et les leviers (soutien social, familial, autres professionnels, motivation personnelle, objectifs de santé).

Une fois le recueil complet, vous élaborez un plan de soins personnalisé.

Il intègre :

Des objectifs thérapeutiques clairs :

Ces objectifs doivent être réalistes, individualisés et définis en concertation avec votre patient (décision partagée) :

  • Souhaite-t-il un arrêt immédiat ou progressif contrôlé ?
  • À quelle date souhaite-t-il débuter son sevrage ?

Prescription adaptée de substituts :

Le choix du mode de sevrage dépend de la gravité de la dépendance et des risques associés.

Si vous avez estimé que la dépendance de votre patient nécessitait un recours aux TNS, vous adaptez les recommandations et la forme du traitement à son niveau de dépendance et à son profil : posologie, patch en continu, seul ou en association avec les substituts oraux à prendre en cas de besoin …

La durée minimale des prescriptions se situe généralement entre 2 et 3 mois, mais elle est ajustable en fonction des symptômes de sevrage.

Prévention des situations à risque :

Afin de prévenir les rechutes, vous

  • Identifiez les moments critiques.
  • Enseignez des techniques de gestion du stress (respiration, relaxation, distraction, hypnose).
  • Anticipez l’accompagnement des périodes sensibles (vacances, stress professionnel).

À noter que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont particulièrement efficaces pour aider vos patients à modifier leurs comportements et les pensées liées à la dépendance.

Fondamentaux à maîtriser :

L’entretien motivationnel est une autre clé de succès de la prise en charge. Il permet de faire naître ou de soutenir la motivation du patient dans la phase de pré-intention/intention.

Pour être bien mené, il nécessite :

  • Écoute active, empathie, bienveillance, non-jugement, reformulation.
  • De travailler l’ambivalence et de renforcer l’auto-efficacité.

Questions clés à poser :

Certaines questions vous aident à déterminer la motivation, les chances de succès, les freins éventuels, les ressources disponibles, et de définir le plan de soins le plus adapté au profil de votre patient :

  • « Qu’est-ce qui vous motive à arrêter ? »
  • « Qu’est-ce qui pourrait vous freiner ou nuire à vos chances de réussite ? »
  • Au contraire, qu’est-ce qui pourrait vous aider à atteindre votre objectif et à réussir votre sevrage ? ».

Exemple de situation clinique :

Un de vos patient souffre de BPCO et est sous traitement pour réduire les symptômes de la maladie. Il refuse tout substitut.

L’entretien que vous conduisez peut permettre de lever les idées reçues qu’il a, de le rassurer, et de le convaincre de tester un patch faiblement dosé.irement des fesses, des ravisseurs, de la hanche, des quadriceps en position debout, et les étirements assis.

Fréquence des rendez-vous :

Dans un premier temps, les rendez-vous sont hebdomadaires, notamment durant le premier mois, puis ils sont programmés en fonction des besoins.

La surveillance clinique porte essentiellement sur l’évaluation :

  • Des signes vitaux (tension artérielle, pouls, température, respiration).
  • Des effets indésirables du sevrage ou des traitements : symptômes associés au sous-dosage (pulsions incontrôlables, irritabilité, insomnie), au surdosage (palpitations, céphalées) ou au manque (anxiété, agitation, tremblements, nausées, etc.).

Le suivi peut se faire sous forme d’entretiens en présentiel, téléphoniques ou de téléconsultations (télésuivi).

Suivi structuré :

Ce suivi doit permettre :

  • D’évaluer les symptômes de sevrage.
  • D’ajuster les doses de TNS ou les objectifs de soins, si besoin.
  • D’évaluer les freins : troubles anxieux, prise de poids…
  • Mais aussi, de valoriser les progrès.

Prévention des rechutes :

La dépendance persistant après l’arrêt des traitements, il est impératif d’anticiper le suivi, de repérer les situations à risque de rechute, et d’analyser les signaux faibles.

La prévention est indispensable pour réintégrer le patient dans une nouvelle dynamique, sans culpabilisation, mais aussi pour adapter la prise en charge en cas de faux-pas, et dédramatiser et déculpabiliser votre patient en cas de rechutes.

L’éducation du patient et de sa famille est capitale.

Elle doit comporter des informations claires sur les bénéfices du sevrage, mais aussi sur les risques de rechute (symptômes du sevrage, signes avant-coureurs de la rechute), et les stratégies à mettre en place dans les moments de manque.

Enfin, si le sevrage devient pénible, orientez votre patient vers un médecin pour apporter une médication supplémentaire (Varénicline), afin de réduire les symptômes et prévenir les rechutes.

En tant qu’infirmier, votre rôle consiste à surveiller l’évolution clinique, à ajuster les interventions en fonction des besoins spécifiques du patient, et à coordonner les soins.

D’ailleurs, dans les cas complexes, n’hésitez pas à orienter votre patient vers une consultation spécialisée.

La collaboration et la coordination avec les autres professionnels de santé sont essentielles pour une prise en charge globale et efficace du sevrage tabagique.

Les acteurs à mobiliser :

Les principaux acteurs à mobiliser pour un travail en réseau de qualité sont :

  • Le médecin traitant.
  • Le tabacologue ou l’addictologue.
  • Le psychiatre, le psychologue, le sophrologue.
  • Le diététicien.
  • Les travailleurs sociaux.
  • Le pharmacien, notamment pour le suivi des prescriptions.

Traçabilité des interventions :

À l’instar des autres soins que vous réalisez, vous devez tracer les actions menées dans le cadre du sevrage. Vous consignez donc chacune de vos interventions dans le dossier de votre patient.

Vous adressez également des courriers de liaison ou des bilans d’évolution au médecin prescripteur.

À noter que, selon le contexte, votre patient peut être intégré dans un parcours de soins dédié aux ALD ou être orienté vers le dispositif PRADO applicable.

Actions possibles :

Pour compléter la prise en charge, vous pouvez aussi :

  • Sensibiliser les fumeurs dans les établissements de santé ou maisons de santé.
  • Encourager vos patients à participer à des ateliers d’information en entreprise, à l’école ou aux campagnes nationales (Mois sans tabac, Journée mondiale sans tabac).

Supports à recommander :

Pour vous aider dans votre pratique, vous disposez aussi de ressources supplémentaires, telles que :

  • L’application Tabac Info Service qui propose des coachings gratuits.
  • Les livrets patients de l’INCa ou de Santé Publique France.
  • Les fiches pratiques d’aide au sevrage de l’AFDET : (ex : soutien psychologique).

Aides à la prescription :

Et, pour prescrire les substituts nicotiniques, vous disposez de :

  • Grilles de calcul de posologie nicotinique.
  • Protocoles validés de substitution.
  • Modèles d’ordonnance infirmière.

Enfin, pour rester à jour avec les nouvelles approches et les nouvelles recommandations en matière de sevrage, vous pouvez vous inscrire à une action de formation spécifique ou participer à des ateliers.

Si l’envie de se sevrer est présente chez de nombreux fumeurs, la réussite de cette démarche repose sur un accompagnement structuré, régulier, empathique, et une collaboration avec les différents acteurs de soins.

En tant qu’infirmier, vous jouez un rôle central dans l’accompagnement du sevrage tabagique, aussi bien dans le soin individuel que dans la prévention collective.

Non seulement vous êtes un acteur majeur du repérage des patients concernés, mais vous pouvez évaluer leur dépendance, proposer un accompagnement personnalisé, suivre leur motivation, prescrire des substituts nicotiniques, et travailler en réseau pour proposer une prise en charge globale, personnalisé et de qualité.

Alors, si la prise en charge du sevrage vous intéresse, que vous souhaitez actualiser vos connaissances, acquérir de nouveaux outils, ou renforcer vos pratiques collaboratives, vous pouvez vous inscrire à une formation d’Infirmier en Tabacologie, et exercer ces missions en libéral auprès de vos patients ou proposer des consultations externes au sein des CPTS, hôpitaux et cliniques, établissements scolaires, médecine du travail …

Vous pouvez aussi participer à la formation de vos pairs ou d’autres professionnels du soin ou aux campagnes de sensibilisation comme le Mois sans tabac.

Pour terminer, si vous avez trouvé cet article utile, n’hésitez pas à le partager autour de vous.

Sources :

HAS

sante.gouv

Info-tabac-services

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