Deuxième cause de handicap moteur chez l’adulte après les accidents vasculaires cérébraux, la maladie de Parkinson se caractérise par une disparition progressive des neurones dopaminergiques. Elle est reconnaissable à sa triade de symptômes — tremblements, akinésie, hypertonie.
La maladie de Parkinson ne se contente pas de s’installer : elle avance, lentement, sournoisement, jusqu’à bouleverser le quotidien.
Ce qui, hier encore, semblait acquis — se lever, parler, écrire, avaler — devient peu à peu un combat invisible.
Chaque jour, le malade perd un peu de ce que la maladie grignote en silence : la fluidité, la spontanéité, la confiance.
C’est dans ces moments de glissement que le rôle de l’infirmier devient essentiel.
Parce que l’aggravation ne se repère pas toujours à l’œil nu. Elle se cache derrière un geste qui s’interrompt, un regard qui fuit, un repas à moitié entamé.
Reconnaître ces signes, c’est prévenir la chute, la dénutrition, la perte d’autonomie — et offrir au malade une chance de rester debout, au sens propre comme au figuré.
| Pourquoi la vigilance clinique est essentielle : Elle est capitale parce que : – La dégradation est souvent progressive, parfois silencieuse. – Un repérage précoce permet d’ajuster les traitements et d’éviter des hospitalisations évitables. – Le suivi infirmier régulier est un levier central dans la prévention des complications. |
Les stades de la maladie de Parkinson : comprendre l’évolution

Les repères cliniques selon l’échelle de Hoehn et Yahr
La maladie avance à son rythme, imprévisible.
Un jour, tout semble stable ; le lendemain, le corps hésite, la marche se fige, la voix s’éteint un peu plus.
Avec le Parkinson, rien n’est jamais linéaire : les accalmies trompent souvent la vigilance, et les rechutes surgissent sans prévenir.
Et parce qu’elle évolue sans cesse, la prise en charge doit s’adapter en permanence.
Ce qui fonctionnait la veille devient insuffisant le lendemain.
Au début, les gestes sont simplement plus lents. Puis viennent les phases off — ces moments où le traitement perd de sa force, où les tremblements reprennent, où la fatigue et la colère s’invitent.
Parce que les troubles ne touchent pas que le corps : ils secouent aussi l’esprit, la confiance, l’envie de continuer.
Chaque malade vit cette progression à sa manière. Il n’y a pas deux Parkinson identiques.
On distingue pourtant trois grandes étapes dans le processus évolutif — précoce, intermédiaire, tardive —, comme les trois saisons d’une même lutte.
Pour mieux visualiser cette progression, vous pouvez vous conformer à l’échelle de Hoehn et Yahr, qui est la référence pour repérer le stade de la maladie.
| Stades | Description clinique | Impact fonctionnel |
| 1 | Symptômes unilatéraux et discrets : tremblements de repos, rigidité musculaire, lenteur des mouvements d’un membre d’un côté du corps, léger changement de posture, atteinte faciale légère. | Gêne minime, autonomie préservée. |
| 2 | Symptômes bilatéraux, équilibre stable : rigidité, lenteur des mouvements bilatérale, expression faciale réduite, anomalies de la parole, posture voûtée. | Difficulté aux gestes fins, fatigue. |
| 3 | Troubles de l’équilibre, marche est ralentie : lenteur des mouvements, incapacité à ajuster rapidement les mouvements. | Risque de chute, autonomie diminuée. |
| 4 | Lenteur des mouvements accrue, difficulté à se tenir debout ou à marcher. | Aide matérielle quotidienne. |
| 5 | Rigidité majeure, dépendance quasi-totale : incapacité à se déplacer sans aide, alitement, aide pour sortir du lit ou se lever. Troubles cognitifs : idées délirantes, hallucinations, confusion, démence. | Dépendance. Aide humaine indispensable. Risque de chutes graves. |
Depuis 1983, deux sous-stades complètent l’échelle :
- 1,5 : rigidité axiale ou douleurs dorsales,
- 2,5 : instabilité posturale mise en évidence par le pull test (échelle UPDRS).
L’évolution de la maladie dépend de chaque patient : certains restent stables des années, d’autres déclinent soudainement après une infection, une chute ou un changement thérapeutique.
Les 5 dimensions à surveiller pour repérer une dégradation
1. Troubles moteurs et perte d’autonomie
Les premiers signes d’aggravation concernent souvent la motricité : les gestes sont plus lents, la fatigue s’installe malgré le repos, la bradykinésie est plus marquée.
On observe :
- Une rigidité musculaire, une difficulté à se retourner dans le lit.
- Des blocages (« freezing ») ou des chutes plus fréquentes.
- Une baisse d’efficacité du traitement dopaminergique.
Réflexe infirmier : vous interrogez l’observance des traitements, observez la mobilité à différents moments de la journée pour repérer les phases « off », et notez les chutes et les blocages. Ces observations sont précieuses pour le neurologue.
2. Difficultés de communication et de déglutition
La voix devient plus faible, monotone, l’articulation est laborieuse, les troubles de la déglutition apparaissent.
Les symptômes à surveiller sont :
- L’hypophonie
- La dysarthrie
- Les fausses routes
- Une toux persistante
- Une perte de poids
- Les signes de pneumopathie d’inhalation.
Réflexe infirmier : vous contrôlez le poids, l’hydratation, la respiration, et signalez toute toux persistante ou modification de la voix. Vous pouvez proposer un avis orthophoniste pour adapter les textures et prévenir la dénutrition.
3. Troubles cognitifs, comportementaux et psychiatriques
Peu à peu, la pensée ralentit, les repères se brouillent.
Viennent ensuite l’anxiété, la tristesse, parfois les hallucinations.
Le patient s’enferme dans un silence protecteur, que l’entourage ne comprend pas toujours.
Les signes à surveiller sont :
- La bradyphrénie
- Une désorientation
- Des troubles de la mémoire.
- Les troubles cognitifs : anxiété, dépression, hallucinations, idées délirantes.
- Un désintérêt pour les activités, un repli sur soi.
Réflexe infirmier : votre rôle est de consigner tout changement d’humeur ou de comportement, et de prévenir le médecin sans délai en cas de confusion ou d’hallucinations.
4. Signes non moteurs généraux
D’autres signes discrets, non-moteurs, mais révélateurs complètent le tableau clinique, et sont à prendre en compte : constipation persistante, hypotension orthostatique, troubles du sommeil, fatigue chronique, perte d’appétit, amaigrissement, infections répétées, sueurs excessives.
Réflexe infirmier : votre rôle est de relier ces symptômes à une éventuelle intolérance du traitement ou à la perte d’autonomie. Vous devez également surveiller la tension couchée/debout, le sommeil, la douleur, le poids, le risque de dénutrition (MNA), et repérer les chutes à répétition.
5. Diminution globale de la qualité de vie
Quand la lassitude gagne du terrain, que la fatigue prend toute la place, que le malade s’isole et néglige son corps, et que les soins deviennent « de trop », la maladie a franchi un autre cap : l’accompagnement humain et psychologique doit alors être renforcé.
Réflexe infirmier : votre rôle est d’écouter, soutenir, ajuster le rythme des soins, et renforcer la coordination avec les autres intervenants.
Le lien humain reste le meilleur rempart contre la résignation.
Grille de repérage infirmière
| Domaine | Signes d’aggravation | Réflexe professionnel |
| Motricité | Bradykinésie, freezing, chutes | Alerter le médecin, adapter le rythme des soins, sécuriser le domicile. |
| Déglutition | Amaigrissement, toux, fausses routes | Évaluation orthophoniste, adaptation alimentaire. |
| Cognition | Désorientation, hallucinations, repli | Surveillance, transmission immédiate à l’équipe médicale. |
| Autonomie | Aide accrue nécessaire | Réévaluation du plan d’aide Mobilisation des aides. |
| État général | Amaigrissement, infections à répétition | Coordination avec le médecin, kiné, diététicien. |
À noter que des dyskinésies secondaires aux traitements peuvent apparaître après 5 à 6 ans de traitement, et compliquer les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson.
Quand faut-il s’inquiéter ou consulter ?
Signes d’aggravation progressive
Les signes progressifs qui nécessitent une consultation sans délai sont :
- Une perte d’autonomie sur plusieurs semaines.
- Une diminution de l’efficacité du traitement malgré l’observance.
- Un retrait social ou l’épuisement de l’aidant.
Signes d’aggravation brutale nécessitant une réévaluation rapide
D’autres signes d’aggravation nécessitent une réévaluation rapide :
- Une chute avec blessure, une perte de connaissance.
- Des difficultés soudaines à parler ou avaler.
- Des hallucinations sévères, un épisode de confusion aiguë.
- Un amaigrissement rapide, une fièvre, des infections récidivantes.
Réflexe infirmier : votre rôle est de documenter les observations et de les transmettre sans délai au médecin traitant ou au neurologue.
Une réévaluation thérapeutique ou un passage en HAD peuvent s’imposer rapidement.
| Quand réévaluer le plan de soins ? – Après une hospitalisation ou un changement thérapeutique. – Si le patient exprime une fatigue inhabituelle ou un refus de soin. – Si l’aidant signale un « changement de rythme » ou une aggravation récente. |
Outils et coordination interprofessionnelle
Outils d’évaluation recommandés
Pour vous aider dans votre quotidien, il existe différents outils pour évaluer l’état de votre patient. Les principaux sont :
- La MDS-UPDRS (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale révisée) pour un suivi global de la progression de la maladie.
- L’Échelle de Hoehn & Yahr, qui guide dans la classification du stade évolutif.
- Le Mini Nutritional Assessment (MNA) pour dépister le risque de dénutrition.
- Les échelles de déglutition et de la douleur pour compléter le suivi.
Coordination et communication
La coordination est un point central de la prise en charge.
Elle permet de fluidifier le parcours de soins, mais aussi de transmettre les informations aux différents professionnels qui interviennent auprès du malade : médecin traitant, neurologue, kinésithérapeute, orthophoniste, ergothérapeute, diététicien, psychologue.
Parce que la prise en charge d’un malade atteint d’un Parkinson est un travail d’équipe.
L’aidant, qui est aussi un observateur actif dans la surveillance, doit aussi être intégré.
Chaque observation partagée est une chance de freiner la dégradation.
Enfin, l’éducation thérapeutique, qui renforce la compréhension de la maladie, l’adhésion aux traitements et l’autonomie décisionnelle du patient — tant qu’elle est possible —, est indispensable.
Étude de cas clinique
Mme L., 78 ans, suivie pour son Parkinson depuis 9 ans, a perdu l’appétit.
Sa marche est ralentie, ses gestes sont plus hésitants, ses soins sont plus longs.
L’infirmière note des épisodes de « freezing » et une fatigue accrue en fin de journée.
Transmise au médecin, l’information a permis de réajuster le traitement, et de débuter un suivi orthophonique.
En quelques semaines, l’état de Mme L. s’est amélioré.
Le repérage rapide a évité la dénutrition et l’hospitalisation.
| Soutien de l’autonomie : Quand la maladie prend trop de place, le patient doute, se décourage, s’agace, se replie. L’infirmier l’aide alors à réorganiser le quotidien : il planifie les activités aux heures « on », et encourage son patient à accepter l’aide et les temps de repos. Il écoute les ressentis, accompagne les ajustements et éduque pour apprendre à signaler précocement les difficultés. |
FAQ : Questions fréquentes des infirmiers
1. Comment différencier une aggravation d’un effet secondaire médicamenteux ?
Une aggravation est progressive et persistante ; un effet secondaire survient plus rapidement et s’atténue après ajustement (posologie/horaires/changement de molécule). Documenter l’horaire des symptômes par rapport aux prises aide au tri diagnostique.
2. Quels signes annoncent une phase palliative ?
Dépendance quasi‑totale, dénutrition, troubles cognitifs sévères, infections répétées, inefficacité thérapeutique malgré les ajustements.
Un accompagnement palliatif peut alors être initié au domicile avec l’HAD.
3. Faut-il hospitaliser un patient en perte d’autonomie rapide ?
Pas systématiquement. Une évaluation médicale prioritaire et la mobilisation des services à domicile (SSIAD/HAD/kiné/ergo) peuvent éviter l’hospitalisation. On hospitalise en cas de complications aiguës, chutes graves, confusion sévère, détresse respiratoire.
4. Quel rôle joue l’aidant dans la surveillance ?
Il est central : il détecte souvent les premiers signes subtils. Ses observations (rythme de marche, appétit, sommeil, humeur) doivent être notées dans le dossier de suivi et intégrées aux transmissions.
Pour conclure…
L’aggravation de la maladie de Parkinson est progressive et pas toujours simple à percevoir, même pour un œil averti, parce qu’elle ne se résume pas qu’à une perte motrice : elle touche le corps, la parole, la mémoire et le lien social.
Elle se lit dans les silences, les regards, la fatigue, le refus de soin.
C’est là que votre intervention prend tout son sens : dans cette capacité à voir l’invisible, entendre l’indicible, et agir vite.
Parce que grâce à votre présence régulière et aux liens que vous nouez avec vos malades et les aidants, vous êtes souvent le premier témoin des changements, mêmes discrets.
Mais aussi parce que trois gestes simples de votre quotidien : observer, consigner, communiquer, vous permettent d’anticiper l’aggravation, d’adapter le suivi et de préserver la qualité de vie de vos patients.
Sources :
Haute Autorité de Santé (HAS) : Guide du parcours de soins, Maladie de Parkinson.
HAS : La prise en charge de votre maladie de Parkinson.
France Parkinson : Quels sont les symptômes de la maladie de Parkinson.
Sante.gouv : La maladie de Parkinson.
Ministère de la Santé : Stratégie nationale maladies neurodégénératives 2025-2030.