Comprendre et gérer la lombalgie chronique : Guide pratique pour kinésithérapeutes

La lombalgie est aussi la principale cause d’arrêt de travail ou d’invalidité.

Elle peut survenir n’importe quand, et toucher n’importe qui, quel que soit l’âge, même si on observe un pic entre 50 et 55ans, et qu’elle touche davantage les femmes.

Elle est considérée comme un véritable problème de santé publique et de santé au travail, quand elle impacte le quotidien des malades, les entreprises, et les Finances Publiques.

Pourtant, dans 9 cas sur 10, elle est commune, et souvent sans gravité, quand vous la prenez en charge de manière appropriée.

Définition et symptômes fréquents :

  1. Définition :

La lombalgie chronique se manifeste par une douleur persistante allant de la charnière thoraco-lombaire jusqu’au pli fessier intérieur, et pouvant irradier jusqu’au genou, sans toutefois le dépasser.

On la distingue de la lombo-sciatique ou de la lombo-cruralgie en ce que les douleurs de ces dernières irradient jusque devant ou derrière la cuisse.


On dit qu’elle est chronique quand elle persiste au-delà de 3 mois, et qu’aucun traitement ne la soulage.

Elle peut être commune ou spécifique. Dans la plupart des cas, la lombalgie est dite « commune ».

La lombalgie spécifique est causée par :

  • Une maladie sous-jacente (cancer) ou une lésion (fracture).
  • Un problème structurel de la colonne vertébrale.
  • Une douleur venant d’une autre partie du corps (anévrisme de l’aorte abdominale).

La lombalgie est dite commune quand aucune maladie particulière, lésion ou problème structurel n’est retrouvé ou associé à la douleur avec certitude.

À noter, que vous pouvez trouver une autre définition de la lombalgie chronique, qui distingue :

  • La lombalgie non dégénérative : il s’agit de la lombalgie spécifique ou secondaire, dite symptomatique, et de cause traumatique, tumorale, infectieuse ou inflammatoire.
  • La lombalgie dégénérative, qui touche un ou plusieurs des éléments suivants : disque, facette, ligament, muscle, et/ou qui peut être mixte ou reliée à un trouble global ou local de la statique rachidienne.
  • La lombalgie sans relation avec des lésions anatomiques.
personne avec mal de dos

2) Symptômes courants :

Les symptômes les plus courants sont la raideur, les douleurs irradiantes, et les limitations fonctionnelles.

Il peut exister :

  • des douleurs matinales (déverrouillage matinal) ou
  • des douleurs exacerbées le soir ou
  • des douleurs majorées en position assise, à la station debout prolongée ou encore au piétinement.

En général, elles sont « en barre symétrique » au niveau lombaire, et peuvent irradier jusque dans la région fessière.

Les douleurs lombaires peuvent être sourdes ou vives.

Causes principales :

Les principales causes de lombalgie sont d’origine :

  • Fonctionnelles ou mécaniques : contracture musculaire, blocage articulaire, trouble postural ou viscéral, déséquilibres musculaires, altérations structurelles …
  • Organiques : hernie discale, canal lombaire étroit, spondylolisthésis …
  • Mixtes : arthrose (surtout chez les plus de 40 ans) …
  • Psychologiques : stress, anxiété, dépression …
  • Liées au mode de vie : sédentarité, posture inadaptée, surpoids, tabagisme …
  • Liées au travail (insatisfaction professionnelle, environnement de travail hostile, pénibilité, sur-sollicitation …) ou à l’indemnisation (rente, pension d’invalidité) …

À noter que les croyances inappropriées et les fausses représentations au sujet du mal de dos, ou les comportements douloureux inadaptés tels que l’évitement, la baisse des activités ou la peur, majorent les douleurs ou retardent la guérison de la lombalgie.

Les personnes ayant souffert de lumbagos à répétition sont plus à risque de souffrir de lombalgie chronique.

Différences avec la lombalgie aiguë :

Tout d’abord, rappelons qu’on parle de lombalgie aiguë quand les symptômes durent moins de 6 semaines.

On dit qu’elle est subaiguë quand les symptômes durent de 6 à 12 semaines.

Et, elle devient chronique, quand ils persistent au-delà de 12 semaines.

À noter que l’on retrouve aussi la terminologie suivante pour la classifier :

  • Poussée aiguë de lombalgie pour la lombalgie aiguë.
  • Lombalgie à risque de chronicité en présence d’une lombalgie de moins de 3 mois et dont on suspecte qu’elle ne se résoudra pas.
  • Lombalgie récidivante, sielle récidive dans les 12 mois. Elle sera alors considérée comme une lombalgie à risque de chronicité.

Contrairement à la lombalgie chronique, qui nécessite une prise en charge pluridisciplinaire (médecins : traitant, spécialiste du rachis, du travail ; kinésithérapeute ; psychologue…) et de la rééducation, en règle générale, la lombalgie aiguë régresse spontanément en quelques semaines, sans attention particulière, ni séquelles ou complications.

Données épidémiologiques :

Comme indiqué plus haut, la lombalgie touche plus souvent les femmes.

Elle augmente avec l’âge jusqu’à 80 ans, avec un pic observé entre 50 et 55 ans.

Par ailleurs, la lombalgie représente un coût important : absentéisme, soins prolongés…

Les mécanismes à prendre en compte dans les cas de lombalgies chroniques sont les :

Facteurs biomécaniques :

On y trouve les déséquilibres musculaires, les raideurs articulaires, et les altérations des tissus mous ou des structures vertébrales.

Composantes neurophysiologiques :

La sensibilisation centrale est l’hypersensibilité des circuits de la douleur dans le système nerveux central, y compris en l’absence de lésion.

La douleur persiste même quand la maladie est stabilisée.

On y retrouve les douleurs neuropathiques (réponse exagérée aux stimuli).

Facteurs psychosociaux :

Les principaux facteurs psychosociaux sont le stress au travail ou à la maison, et la dépression qui influent sur la douleur et/ou l’entretiennent.

À noter que la lombalgie peut limiter la mobilité, impacter plus ou moins lourdement la vie personnelle, professionnelle et sociale, majorer un stress, perturber le sommeil, et peser sur l’humeur.

homme ressent des douleurs dans le dos

Le rôle clé du kinésithérapeute dans la prise en charge

Évaluation initiale :

Elle comprend :

  1. L’anamnèse et le bilan : historiques médical, personnel et professionnel ; traitements pris et ceux en cours dont l’antalgie et son efficacité ; facteurs déclencheurs ; mode de survenue et d’évolution ; horaire d’apparition, type, intensité et localisation de la douleur ; symptômes associés ; signes de gravité, etc.
  • Les tests fonctionnels : évaluation de la mobilité, de la force, et des limitations : trouble de la « posture » (déjettement antérieur, « tête en avant du gros orteil », position de la tête…), raideurs articulaires, tensions musculo-aponévrotiques, faiblesse musculaire ….
  • Les indicateurs de suivi objectifs : évaluation de l’amélioration de l’amplitude et de la diminution de l’intensité de la douleur (échelle EVA).

Relation thérapeutique :

L’alliance thérapeutique est primordiale pour accompagner vos patients, surtout en cas de fausses croyances.

Il ne sera pas simple de demander à un patient douloureux de se remettre en mouvement alors que pendant des années, on lui a martelé qu’il fallait impérativement qu’il se repose.

Pour instaurer et consolider cette relation de confiance, l’écoute active est indispensable.

L’éducation du patient sur les bonnes postures et l’hygiène de vie à adopter, complètera votre prise en charge.

N’hésitez pas à reprendre avec eux les explications sur la nature et les mécanismes de la douleur chronique.

La priorité est bien évidemment de poser un diagnostic précis, et d’engager une prise en charge pluridisciplinaire.

En effet, si elle est inadaptée, la prise en charge peut aggraver la douleur, entraîner des récidives et impacter la qualité de vie de vos patients douloureux.

Le traitement dépend de la nature de la douleur et du caractère de la lombalgie.

Si le traitement de la lombalgie spécifique dépend de la cause sous-jacente, celui de la lombalgie chronique, sera axé sur :

La rééducation fonctionnelle :

Elle permet de renforcer les muscles stabilisateurs, d’améliorer la flexibilité, et de réduire les tensions, grâce notamment aux étirements.

Les protocoles sont détaillés, et définis dans le temps (repères temporels) : la progression est prévue après un délai de 4 à 6 semaines.

La thérapie manuelle :

Elle est nécessaire pour mobiliser les articulations, et restaurer la mobilité. Elles sont basées sur des techniques myofasciales qui permettent de réduire les tensions.

Les massages détendent et soulagent toute la structure du dos.

Les exercices ciblés :

Les principaux exercices recommandés sont la planche, le pont ou les étirements ischio-jambiers.

Les étirements et les exercices de renforcement musculaire permettent d’améliorer la posture et de protéger la colonne vertébrale.

Des activités physiques adaptées telles que la marche ou le yoga seront également intégrées au programme.

Ces exercices seront régulièrement réévalués et adaptés, et la charge, progressivement augmentée sur 8 à 12 semaines.

Les techniques complémentaires :

Les techniques complémentaires regroupent :

  • Les applications locales de chaleur ou de froid pour un soulagement temporaire.
  • L’électrothérapie (TENS), qui permet de réduire les douleurs neuropathiques, en l’absence de contre-indications médicales (comme certaines pathologies cardiaques). Ces techniques de physiothérapie à visée antalgique sont de plus en plus utilisées.

Quels que soient le type et le stade de la lombalgie, la réadaptation est essentielle au succès de la prise en charge.

Le soutien psychologique et social est également essentielpour canaliser et soulager la douleur, et faciliter la reprise d’activités.

Thérapie cognitive et comportementale (TCC) :

Les TCC permettent de modifier les croyances négatives entretenues au sujet de la douleur. Elles visent aussi à encourager l’engagement de votre patient dans des comportements actifs. N’hésitez pas à la recommander à vos patients.

Gestion du stress :

Le stress peut être canalisé grâce à certaines techniques, faciles à mettre en place, comme la relaxation et les exercices respiratoires ou de pleine conscience, qui permettent de mieux gérer la douleur.

Éducation et autonomie :

Inciter vos patients à rester actifs malgré la douleur est la base de vos interventions.

En plus de leur fournir un plan d’exercices à réaliser à domicile, n’hésitez pas à les éduquer, à les guider et à les rassurer afin qu’ils retrouvent rapidement leur autonomie.

Programme de suivi :

Des évaluations régulières doivent être programmées pour mesurer l’efficacité de la prise en charge, et la réadapter en cas de besoin.

Ce suivi permet là encore, d’accompagner votre patient dans la reprise de ses activités professionnelles ou sportives.

Prévention des rechutes :

Le maintien d’une routine d’exercices réguliers limite le risque de rechutes.

Vous pouvez aussi sensibiliser vos patients à l’ergonomie en leur donnant les conseils à appliquer au quotidien et les ajustements à opérer sur le lieu de travail.

Enfin, le changement dans le mode de vie est crucial : alimentation saine, maintien d’un poids de forme, bonnes habitudes de sommeil, gestion des émotions, arrêt du tabac …

Vous l’aurez compris, la prise en charge de la lombalgie chronique est bio-psycho-sociale, centrée sur le patient, personnalisée, et axée sur le retentissement qu’a la douleur sur toutes les dimensions de la vie de votre patient.
Votre rôle y est crucial.

Et, parce que cette maladie nécessite cette approche globale, vous n’agissez pas seul, mais travaillez en coordination avec une équipe pluridisciplinaire spécialisée, afin de remettre votre patient en mouvement, le plus rapidement possible, et dans les meilleures conditions possibles.

Si vous ne vous sentez pas à l’aise avec cette maladie, qui peut avoir des conséquences désastreuses sur le quotidien de votre patient, de l’entreprise, et sur les Finances, n’hésitez pas à vous former et à découvrir les approches innovantes et les dernières recommandations : plusieurs actions de DPC sont d’ores et déjà disponibles.

Enfin, si vous avez trouvé cet article utile, partagez-le avec vos collègues.

Source :

OMS

Ameli

HAS

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