La rupture du ligament croisé antérieur (LCA) fait partie des traumatismes du genou que vous êtes régulièrement amenés à prendre en charge en cabinet.
Elle touche le plus souvent les sportifs, et notamment ceux qui pratiquent des sports de pivots et pivots contact, mais elle peut aussi survenir chez n’importe qui, y compris chez l’enfant.
Elle peut être provoquée par un traumatisme direct ou indirect ou par des microtraumatismes répétés, qui fragilisent le genou jusqu’au choc de trop.
Si on ne peut pas toujours empêcher le LCA de se rompre, vous pouvez néanmoins agir pour en limiter le risque, grâce à une préparation physique adaptée au sport pratiqué.
D’ailleurs, il existe des programmes de prévention validés, essentiellement axés sur un échauffement ciblé, un renforcement musculaire structuré, et un travail de proprioception.
Mais, ils restent encore peu relayés, et donc sous-utilisés.
Alors, comment prévenir efficacement les ruptures de LCA ?
Pourquoi l’échauffement, le renforcement, la proprioception, et l’éducation sont-ils importants ?
Et, comment intégrer ces programmes de prévention et le suivi dans votre pratique ?
C’est ce que nous verrons ci-après.
Comprendre les mécanismes de rupture du LCA
1. Fonction du LCA :
Le ligament croisé antérieur (LCA) se situe dans la partie centrale du genou. Son nom vient du fait qu’il croise le genou, avec l’aide d’un autre ligament, le ligament croisé postérieur (LCP), notamment lors des mouvements de flexions et extensions du genou, ou encore lors de la rotation de la jambe.
Les deux ligaments croisés sont indispensables à la stabilisation du genou.
Plus précisément, le LCA intervient dans la stabilité du genou, en empêchant la translation antérieure du tibia par rapport au fémur, et en agissant comme frein secondaire à sa rotation interne.
Autrement dit, il empêche un déplacement trop important ou une rotation excessive du tibia par rapport au fémur.
2. Mécanismes traumatiques fréquents :
Traumatismes indirects sans contact :
Plus des 2/3 des ruptures de LCA surviennent en l’absence de contact direct, et principalement à cause d’un geste mal maîtrisé : torsion interne ou externe, simple mouvement de pivot sans contact, réception de saut désaxée (genou en extension, effondrement en valgus), changement brutal de direction, freinage brusque sans flexion suffisante du genou et de la hanche, fatigue neuromusculaire…
Traumatismes avec contact :
Ils concernent moins d’un tiers des traumatismes indirects : coup latéral au genou (valgus forcé), hyperextension provoquée par un adversaire ou une chute…
3. Facteurs de risque intrinsèques et extrinsèques :
Les principaux facteurs de risque intrinsèques, inhérents au patient à risque sont : le sexe (les facteurs anatomiques et hormonaux fragilisent davantage les femmes), des antécédents de blessures de LCA, la laxité ligamentaire, l’angle Q (angle auquel le quadriceps rencontre la rotule), le déficit de contrôle moteur, les déséquilibres musculaires et le défaut technique.
Parmi les facteurs extrinsèques, on retrouve le port de chaussures inadaptées, un échauffement insuffisant et le type de terrain.
Il existe également des facteurs biomécaniques associés tels que le valgus dynamique ou des quadriceps trop actifs par rapport aux ischio-jambiers …
La rupture du LCA est souvent évitable si l’on agit sur la technique, le renforcement ciblé et le contrôle moteur. Des programmes simples et bien menés réduisent considérablement ce risque.
Pour cela, vous disposez de plusieurs programmes de prévention adaptés au sport que pratique votre patient, et qui permettent de préparer le genou, pour le rendre plus résistant et mieux armé pour encaisser les sauts et les pivots.
Focus sur les exosquelettes :
Ce sont des sortes de grandes attelles articulées de genou, qui comportent un système d’amortissement des contraintes. (Ex : Ski-Mojo, Roam Robotics).
Ils permettent d’absorber environ un tiers du poids du corps, et donc de soulager les muscles et les articulations tout en donnant davantage de puissance.
Intégrer un échauffement structuré et ciblé :
Avant chaque activité sportive, il est important de préparer les muscles en respectant une période d’étirement, puis d’échauffement.
1. Importance de l’échauffement neuromusculaire :
L’échauffement permet d’activer les muscles stabilisateurs, et d’améliorer la proprioception et la mobilisation articulaire.
2. Exemples validés :
Parmi les programmes validés, on retrouve le :
- FIFA 11+ spécifique au football
- PEP Program (Prevent injury and Enhance Performance), développé pour les jeunes athlètes féminines.
Mais, il en existe d’autres : KIPP (Knee Injury Prevention Program), HarmoKnee…
Ils comportent notamment un échauffement progressif, des exercices en appui unipodal, un renforcement du core.
L’échauffement doit être dynamique (courses légères, montées de genoux, talons-fesses…).
3. Fréquence :
À chaque début de séance, de match ou entraînement.
En général, 2 à 3 fois par semaine, pendant 15 à 20 minutes.
Renforcement musculaire ciblé : la base de la prévention
Renforcer les muscles du genou permet de le stabiliser, compenser la rupture du ligament ou limiter le risque d’accident d’instabilité.
Une faiblesse des muscles ischio-jambiers empêche la translation antérieure du tibia, et s’oppose aux forces de cisaillement antérieur du quadriceps.
Une mauvaise préparation physique peut provoquer un déficit de trophicité, y compris en cas de reprise du sport dit à risque.
1. Groupes à privilégier :
Les groupes de muscles à travailler prioritairement sont les :
– Quadriceps (contrôle de l’extension),
– Ischio-jambiers (co-contraction protectrice),
– fessiers (stabilité du bassin),
– mollets (contrôle postural),
– tronc (core control).
2. Exercices recommandés :
Les exercices à réaliser sont :
– Le footing, les fractionnés
– La chaîne fermée : squats, fentes, leg press.
– Le travail des ischio-jambiers : Nordic hamstring curls, hip thrust, deadlift.
– Le Core : gainage dynamique, planches instables.
Travail proprioceptif et contrôle moteur :
La proprioception du genou est la perception et l’équilibre du genou dans l’espace.
C’est la capacité du genou à s’adapter aux changements de posture et de mouvement. Elle se fait par des récepteurs sensoriels qui captent les informations de postures pour les transmettre au cerveau, qui les transmet à son tour aux muscles, tendons et ligaments.
On les appelle propriocepteurs.
Un défaut de proprioception entraîne un déficit du contrôle neuromusculaire.
Le travail de proprioception a donc aussi pour but d’optimiser le contrôle neuromusculaire.
Dans le cadre de la prévention des ruptures du LCA, il est important de travailler cette proprioception pour prévenir les accidents, notamment avant la reprise du sport.
1. Objectifs :
Les principaux objectifs sont d’améliorer la stabilité articulaire réflexe, et de corriger les déséquilibres posturaux.
2. Exercices :
Les exercices sont basés sur :
- Des appuis instables,
- Des perturbations visuelles (yeux fermés par exemple),
- Des exercices à réaction rapide,
- L’interférence contextuelle (travail de plusieurs activités motrices au cours de la même séance),
- Le Y balance test,
- Des exercices d’équilibres sur trampoline ou sur ballon d’équilibre (Bosu) …
3. Intégration dans la progression :
On les intègre dès les premières séances, puis on les maintient dans le temps.
Maîtrise technique : saut, réception, changement d’appuis
1. Analyse gestuelle :
Elle a pour but de déceler les déficits de placement genou/cheville/bassin, et de corriger le valgus dynamique et le déséquilibre frontal et transversal.
2. Exercices de correction :
Ils permettent d’améliorer les changements de direction, la qualité des appuis, le pivot, de contrôler les atterrissages, et d’amorcer progressivement les freinages.
L’éducation à la technique permet de montrer les bons et les mauvais gestes.
Pour cela, utilisez si possible les Feedbacks neuromusculaires vidéos ou l’apprentissage par observation, qui permettent d’améliorer les habiletés motrices.
Vous pouvez également recourir au Focus attentionnel (concentration attentionnelle), qui permet de diriger l’attention du sportif sur les différents aspects de l’exécution du mouvement,
Un bon moyen de recentrer le joueur sur la qualité des mouvements, et non plus seulement sur la performance.
L’apprentissage différentiel peut aussi être intégré : il consiste à changer la méthode d’entraînement tout en conservant le même objectif final.
Le programme de prévention des blessures et d’amélioration des performances idéal dure entre 6 et 8 semaines, et permet de réduire entre 50% et 80% le risque de blessures du LCA.
Il permet de toujours corriger activement la technique des sportifs, favorise un feedback visuel ou vidéo, et adapte l’intensité et les exercices à l’âge, au niveau, et au sport pratiqué.
Éduquer et responsabiliser le patient :
Le sport est fait d’imprévus que l’on ne peut pas toujours anticiper.
Le programme de prévention permet de reproduire au plus près les conditions réelles de jeu, et de corriger le positionnement du patient dans des situations à risque lésionnel.
Bien entendu, rien de cela ne serait possible sans l’implication et la participation active de votre patient.
1. Sensibilisation aux risques :
Pour le sensibiliser aux risques, n’hésitez pas à vous appuyer sur les statistiques de récidives, et l’importance du renforcement continu.
2. Écoute du corps :
Insistez sur l’importance de l’écoute du corps.
Votre patient doit savoir identifier la fatigue, et se mettre au repos pour éviter la sursollicitation lors de l’entraînement.
3. Outils pédagogiques :
Différents outils peuvent vous aider à remplir votre mission : fiches d’auto-exercices, applications mobiles, carnet de prévention.
Facteurs contextuels et spécifiques à prendre en compte :
1. Sportifs à risque :
Les personnes les plus exposés aux blessures du LCA et à sa rupture sont les adolescents, les femmes, et ceux qui pratiquent des sports de pivot avec ou sans contact.
2. Nutrition et hydratation :
En plus de l’échauffement, du renforcement musculaire, du travail de la proprioception, et du respect des temps de repos, il est impératif de rééquilibrer l’alimentation, et de bien s’hydrater pour maintenir la masse musculaire et favoriser la récupération tissulaire.
3. Historique de blessure :
Le programme d’exercices et les protocoles sont adaptés en fonction des antécédents de blessures.
Dans ce cas, une surveillance rapprochée peut être indiquée.
Critères de suivi et réévaluation
1. Évaluation initiale par le kiné :
Pour choisir le bon programme de prévention, vous devez réaliser l’évaluation initiale grâce aux tests cliniques spécifiques et au bilan fonctionnel : tests fonctionnels (sauts, équilibre, force), profil de risque…
Il est nécessaire pour comprendre les risques reliés à la pratique sportive de votre patient, et ses objectifs.
2. Objectifs SMART et planification :
Une fois le bilan dressé, et les problèmes identifiés, vous dressez la liste des objectifs qui doivent être personnalisés, simples, clairs, mesurables, réalistes et atteignables.
3. Suivi régulier :
Enfin, vous amorcez un suivi régulier pour évaluer les progrès et les objectifs, et les réajustez, le cas échéant.
Si besoin, vous initiez une coordination avec une équipe spécialisée.
Pour conclure…
Si les blessures du LCA sont imprévisibles, une bonne préparation du genou peut en limiter les risques ou les complications fonctionnelles.
Pour être efficace, le programme de prévention doit inclure un échauffement ciblé, un renforcement musculaire adapté, et un travail sur la proprioception.
En tant que kinésithérapeutes, ces protocoles préventifs doivent systématiquement être intégrés dans votre pratique, et particulièrement dans les prises en charge des profils à risque.
L’entrainement doit comporter des exercices d’anticipation, de perturbations, d’attention et de contrôle moteur pour répondre au mieux aux exigences de terrain.
Chaque séance doit inclure des conseils de prévention.
L’éducation de votre patient est indispensable pour protéger efficacement les genoux : la clé est d’instaurer des routines solides.
Pour terminer, si ce type de prises en charge vous intéresse, et que vous souhaitez vous spécialiser ou simplement actualiser vos connaissances, n’hésitez pas à vous inscrire à l’une de nos actions de formation dédiées aux sportifs.
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Sources :